La violence, la vraie, vient d’en haut

S’effarouchent les belles âmes qui paient les puissants.

Nous accablent les gants blancs que raille Balzac, qui n’ont jamais mis les mains dans un moteur. Nous, gilets jaunes, « mettons la démocratie en péril », nous, les gilets jaunes, sommes « barbarie » osent-ils, avec aux pieds de chaussures qui valent deux smics. Ils voient juste. Oui, par bonheur, oui, enfin, nous détraquons « la démocratie », la leur, qui n’est démocratique en rien, nulle part.

Nous sommes les interdits de votre pseudo-démocratie, nous sommes les bas-côtés qui ne votent plus, les proscrits, écrasés de CDD, cloués au chômage, broyés d’impayés, le 12 du mois à découvert, menottés à la misère, étranglés pas les banques. La démocratie, nous sans-voix, nous les vies de merde, on la ressuscite. La démocratie, a vraie, celle que vous empêchez, sur les ronds-points, les barrages, nous l’actionnons, nous la sauvons.

Dur la N2, dans le Soissonnais, gilets jaunes depuis le départ, Gilles ne vote plus depuis le TCE. Il dit, « j’avais gagné, j’avais dit non, tous on l’a dit, l’Europe libérale, ils nous l’ont mise, mise profond, ils ont chié sur nos votes ». Corine a voté Jospin, Hollande, elle dit, « jamais plus on me trahira comme ça, les salariés, on en a pris plein la gueule, le code du travail, t’en as même plus, mais du fric pour les patrons, des milliards, des milliards, moi c’est les CDD, ma fille bosse en champignonnières pour payer sa fac, le soir, les samedis, les vacances ». Ils ne votent plus, ils agissent. Ils ne votent plus, pour la fermer après durant cinq ans, et subir. Ils interviennent. En citoyens vrais, citoyens en continu, pas intérimaires. Ils veulent des référendums d’initiatives citoyennes, pour ça, la souveraineté du peuple, pour que la politique ne soit plus confisquée par les CSP plus, les DRH devenus députés, les patrons du privé qui colonisent l’Elysée puis retournent au privé …

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Publié dans le journal L’Humanité, par Willy Pelletier, le 16 janvier 2019

Ceux qui célèbrent le monde tel qu’il va s’effraient : « La violence des gilets jaunes est extravagante, qu’ils rentrent chez eux ! » Mais où est la violence ? La vraie. La perpétuelle violence, obscène, insupportable. Dans les vitrines brisées de quelques quartiers riches ? Dans la porte cassée d’un ministère ? Quand sans cesse le ministre insulte ceux qui sont à découvert le 12 du mois et qui ont le mauvais goût de dire : « Ça suffit ! » La violence, réelle, c’est prendre aux pauvres pour que des millions ruissellent vers les riches. La violence, c’est ce plan de licenciement XXL qui liquida les emplois aidés. Et qui renvoie des milliers de jeunes au chômage, sans prise possible sur l’avenir.

Où sont les casseurs ? Qui casse le droit du travail, les protections sociales, les services publics de proximité ? Où est la violence ? Quand, au sommet de l’État, on couvre Benalla et Ghosn mais que sont criminalisés les syndicalistes qui luttent, les manifestants bientôt et quiconque aide les migrants à ne pas mourir en montagne ou noyés. Quand les chômeurs sont maintenant par la loi désignés quasi coupables d’être sans emploi. Où est la violence quand la loi Elan favorise les profits immobiliers et qu’on compte 896 000 sans-logis et 3 millions de logements vides ? La violence, c’est aussi Parcoursup, qui renforce l’inégalité sociale d’accès à l’université.

La violence, les fonctionnaires la subissent, empêchés d’aider, appauvris, insultés par les ministres, menacés dans leur statut. Face à eux, des millions de précaires, surtout des femmes, menottés à la misère, méprisés, broyés par l’insécurité économique ad vitam, qui ne reçoivent rien.

La violence, elle est là, chaque mois, quand tant d’ouvriers, d’employés, d’étudiants, de retraités n’ont plus un sou, carte bleue rejetée, et qu’enflent les découverts. La violence est aux urgences des hôpitaux publics, sommés d’être rentables. La violence est dans les impayés qui s’amoncellent. La violence est dans les usines, les hypermarchés, dans l’intensification du travail, les CDD obligés, les concurrences entre salariés organisées. Depuis 1995, les profits s’envolent et les maladies professionnelles ont plus que doublé. Ce sont des chiffres ? Non, ce sont des vies. Des vies d’angoisses, de peines. Des vies où se soigner devient difficile et où les banques tirent intérêts des découverts. La violence, ce sont les cantines des enfants impossibles à régler, les Ehpad sans secours.

La vraie violence, qui la produit, qui la dissimule ?