Le meilleur sport du monde

Etes-vous « Kierkegaardien ? » Moi, oui.

Attention, je précise que ce n’est nullement pour ses idées pré-existentialistes que je me sens proche du philosophe danois Søren Kierkegaard – je n’ai aucune compétence à ce sujet – mais parce que nous partageons la même passion sportive.

La marche.

« Tous les jours, écrit-il, je marche, pour atteindre un état de bien-être et me débarrasser de toute maladie »
« C’est en marchant que j’ai eu mes idées les plus fécondes, et je ne connais aucune pensée, aussi pesante soit-elle, que la marche ne puisse chasser. »
« Mais plus on reste assis, moins on se sent bien. Ainsi si l’on continue à marcher, tout ira bien ».

Mais quel bon sens – surtout pour un philosophe !
Quelle perspicacité, au XIXème siècle, de faire le lien entre la marche et la prévention de nombreuses maladies du corps, ET de l’esprit (dépression, ruminations obsessionnelles, etc.)
Des études récentes ont montré que la marche était en effet particulièrement indiquée pour les personnes souffrant de douleurs chroniques, de fibromyalgie ou d’arthrose.
Et qu’elle était même plus efficace que le jogging pour perdre du poids.
Oui !
Il faut s’attarder une seconde sur une étude très intéressante de l’Université de New York qui a permis d’arriver à cette conclusion : la consommation énergétique de l’organisme n’est pas proportionnelle à l’activité physique.
Dans cette étude d’observation sur 332 adultes âgés de 25 à 45 ans, équipés d’un appareil mesurant leur activité physique sur une semaine, des chercheurs ont observé que les personnes ayant une activité « modérée » brûlaient environ 200 calories de plus par jour que les personnes sédentaires. Jusque là : logique.
Mais ce qui est plus étonnant est qu’une activité physique plus intense n’a pas eu d’impact supplémentaire sur les calories brûlées.
Cela signifie qu’une fois un certain niveau atteint, la course à pied ne permet plus de brûler de calories, quel que soit l’effort fourni.
Pour le même nombre de calories brûlées :
– un américain peut aller tous les jours au bureau en vélo, prendre les escaliers et faire 2 séances de musculation par semaine
– un guerrier Massaï peut parcourir plus de 60 kilomètres par jour pour faire paître son troupeau, guider et soigner son bétail, porter des lourdes charges, chercher des plantes rares dans des savanes arides et vivre loin de tout village plusieurs jours durant.

Tout cela en consommant exactement la même chose.
L’explication est que le corps s’adapte à de plus hauts degrés d’activité physique. La même quantité de muscles consomme la même quantité de calories, mais mieux.
En ce qui concerne la perte de poids, l’étude des chercheurs new-yorkais a montré qu’un exercice « léger » comme la marche était exactement aussi efficace qu’un exercice plus soutenu.
Attention, on parle quand même d’une marche sportive, bâtons en main et foulées conquérantes, pas la balade le nez en l’air à saluer les oiseaux.

 

Le mythe des 10 000 pas par jour

Maintenant, parlons chiffre. Sur la question de la marche, on attribue généralement à l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé) la recommandation de faire au moins 10 000 pas par jour, à partir de 60 ans.
Mais il y a débat sur l’origine de ce chiffre, qui serait un simple « coup » publicitaire d’un inventeur Japonais lors des Jeux Olympiques de Tokyo ! L’homme avait inventé un podomètre appelé Man-Po-Kei, « Man » signifiant 10 000, « Po », pas, et « Kei », mètre.
Bravo à notre Japonais en tout cas, car son slogan des « 10 000 pas » est devenu une règle !
En tout cas, lorsqu’on compile les études, les bénéfices pour la santé commencent « à partir de 30 minutes de marche « soutenue » par jour » :

  • réduction de 50 % du risque de cancer du sein, de l’utérus ou du colon ;
  • réduction de 50 % du risque de diabète de type 2 ;
  • réduction de 40 % des risques d’AVC, d’infarctus ;
  • réduction de 30 % des risques d’Alzheimer et de Parkinson.

Et si l‘on n’est pas marcheur dans l’âme, quelques techniques simples permettent d’obtenir ces bienfaits, presque sans s’en rendre compte : prendre les escaliers plutôt que l’ascenseur, marcher pour aller travailler le matin plutôt que de sauter dans les transports en commun, profiter d’un trajet à pied pour faire la conversation avec quelqu’un etc.
Une fois ces réflexes pris, on découvre à quel point ils sont à la fois agréables et bénéfiques.
Et si vous le pouvez, partez marcher en forêt, dans un parc ou dans l’une de ces « coulées vertes » que les villes font aujourd’hui, les études ont montré que la marche en milieu naturel était largement plus bénéfique pour le bien-être que la marche en milieu urbain3, probablement parce que notre cerveau est moins souvent dérange par les bruits, les feux rouges, la publicité etc.4
L’esprit s’évade, on se reconnecte à la nature, aux arbres, à la vie, à ce précieux silence intérieur que l’on ressent si rarement.
Un silence qui n’a rien d’une absence, bien au contraire, mais qui est la manifestation d’une présence à soi-même, la plus intense de toutes !

 

Sport : le bouleversant secret d’une « énorme feignasse »

Ah, et puisque nous parlions philosophie au début de cette lettre, j’aimerais pour finir vous livrer la réflexion poignante d’une jeune femme, atteinte d’un cancer du sein à 25 ans, à propos de l’exercice physique.
Avec courage et humour, elle s’est choisie le pseudonyme de « La cantatrice chauve », et elle raconte comment au beau milieu de sa chimiothérapie qui lui a fait perdre ses cheveux, elle a réussi à se mettre au sport, elle qui détestait ça
« A mi-parcours de ma chimiothérapie, quand monter trois marches m’essoufflait autant qu’une vieille personne en fin de vie, j’ai acheté un petit stepper pour les jours où il faisait trop froid pour marcher dehors, pour les jours, surtout, où je chercherai des excuses. Et je me suis mise au sport. Très doucement. »
« A peine deux mois plus tard, je faisais 30 minutes par jour de « petite course ». Non pas que j’eusse l’idée de profiter des circonstances pour perdre des kilos en trop. Je n’ai jamais eu de kilos en trop, raison pour laquelle, probablement, aucun médecin ne me recommanda de me mettre au sport, ignorant que je ne m’y étais jamais mise: parfois, le métabolisme est trompeur. Il aurait suffi au médecin de me poser la question pour se rendre compte que j’étais une énorme feignasse. »
« Non, ce qui m’a fait monter, au beau milieu de la chimiothérapie, sur ma machine à suer, c’est de lire que le sport prévient le cancer du sein, ses récidives, et d’autres pathologies ; toutes les femmes, les « minces » aussi, sont concernées. »

« Aux médecins: initiez les femmes, malades et bien-portantes, à ce soin quotidien, si celui-ci ne fait pas encore partie de leur routine. Aux femmes: vous pouvez toutes avoir une « activité sportive pratiquée dans des conditions aptes à maintenir ou améliorer la santé » : il ne s’agit pas de « se dépasser », obsession décourageante de notre société de performance, mais de s’accompagner soi-même, en étant à l’écoute de nos capacités, qui sont là, et qui sont extensibles ; ne les enfouissons pas dans l’attente de jours meilleurs. »

 

Inutile de se « dépasser »

Il ne s’agit PAS de se « dépasser » écrit la Cantatrice Chauve, et je crois que ce conseil est précieux pour tous ceux qui redoutent de démarrer ou de reprendre l’exercice.
Cette simple idée qu’il faut « se dépasser » en faisant du sport crée en effet une barrière mentale qui peut être décourageante. Elle fait référence à un univers de compétition, de performance, de « gagne » et d’exploit. Celui des marathoniens de l’extrême, des grimpeurs qui tutoient les sommets, des surfeurs qui défient des rouleaux de la taille d’un building, etc.
Ce n’est pas du tout ce dont ont besoin les personnes qui redémarrent l’exercice, et qui risquent de se décourager en comparant leur performance avec celle des autres.
La Cantatrice Chauve, elle, a juste acheté un « stepper », un petit appareil de gym qui reproduit le mouvement à faire pour monter…une marche d’escalier. C’est tout.
Mais elle a franchi un océan le jour où elle est montée dessus, sans autre ambition que de faire du bien à son corps malade.
Exactement ce que disait notre philosophe danois au début de cette lettre…
Sønté !

Gabriel Combris