La stupide Uber-économie

Les libéraux sont incroyables.

 En plein débat sur la sécurité dans les trains suite au droit de retrait massif des cheminots il y a moins de 15 jours, le gouvernement et la Cour des Comptes dont tout le monde sait qu’elle est inféodée à la doxa néo-libérale remettent sur la table le « coût insupportable » des trains TER pour les contribuables.

En cause, un « coût faramineux » de 8,5 milliards d’euros par an pour les TER… En 2018, la SNCF aurait même coûté 15 milliards d’euros en tout à la collectivité, souligne une étude d’un ancien magistrat de la Cour des comptes (même à la retraite, ils continuent à vendre leur soupe libérale). C’est donc 224 euros de charge par Français, avant même d’avoir déboursé le premier euro en billet de train.

En insistant bien sur le fait que ce sont les « contribuables » qui payent avec leurs « impôts », et le pire, des bons français qui prennent leur voiture chaque matin et jamais le train en plus ma bonne dame!

Bref, un nouveau rapport de la Cour des Comptes qui fleure bon le libéralisme… au moment précis où se prépare l’ouverture à la concurrence dans les TER.

Le plus drôle, c’est que le rapport va même jusqu’à traduire ce coût « faramineux » par usager et en conclut que le TER est le mode de transport le plus cher, juste après le taxi… Conclusion : si vous êtes un usager régulier du TER, du style debout tous les matins serré comme une sardine, vous êtes un privilégié! Une sorte de riche subventionné par l’argent des impôts des automobilistes…

La morale de l’histoire est limpide : les syndicalistes de la SNCF sont des privilégiés moustachus qui font rien que des grèves sauvages qui prennent en otage les gens. Le train coûte trop cher et de toute manière on va bientôt ouvrir toute cela à la concurrence comme le demande la Fédération Nationale des Associations d’Usagers des Transports (FNAUT) depuis des années. On aura donc de magnifiques FlixTrains ou autres Blabla Trains avec, évidemment, un seul conducteur et sans contrôleurs, le tout sans tous ces statuts qui protègent les salariés. Bref, avec des recrutements de salariés jetables, voire même de la sous-traitance, car cela coûte moins cher. Et pourquoi pas des conducteurs de trains auto-entrepreneurs comme pour Deliveroo ou Uber? D’ailleurs, on pourrait mettre en place directement des Uber Trains… sans « grève sauvage » car les salariés auront trop peur d’être virés.

Et ceci n’est sans doute même pas une blague, car aux dernières nouvelles Uber investit dans les bus, métros et trains et envisage de devenir une sorte « d’Amazon des transports« , tout un programme !

On voit bien l’entreprise de démolition progressive du service public ferroviaire qui est à l’oeuvre. L’idée, c’est de casser tout ce qui peut ressembler à un service public digne de ce nom. Il sera dit qu’on privatisera tout… jusqu’à la santé ou l’école.

Mais, revenons au coût « insupportable » des TER ou mêmes des trains dans leur ensemble.

Il y a quelques années, l’Université technique de Dresde en Allemagne avait réalisé une étude intéressante sur le coût réel de l’automobile à la demande du groupe Verts/ALE du Parlement européen. Cette étude intitulée « Les coûts externes de l’automobile » permettait d’évaluer les dépenses liées à l’automobile à 374 milliards d’euros à l’échelle européenne, dont 50,5 milliards pour la France. Pour l’Hexagone, selon cette étude, le coût des seuls accidents de la route (16,8 milliards en 2008), dépasse à lui seul le fardeau de la SNCF identifié par le rapport Spinetta (14 milliards) ou par l’étude de la Cour des Comptes (15 milliards). Si on prend en compte l’ensemble des coûts générés par les accidents de la route, y compris ceux qui pèsent sur les particuliers, on atteint même 32,8 milliards d’euros en 2015, d’après les calculs de l’Observatoire national interministériel de l’insécurité routière…

C’est ce qui avait permis au journaliste du Monde Olivier Razemon de dire en 2018 que « la SNCF coûte moins cher que les accidents de la route. »

Et on parle ici des seuls accidents de la route… pas de la construction et de l’entretien des routes, de leur signalisation, des milliers de ronds-points giratoires à un million d’euros pièce, des dégâts et de la pollution liés au système routier, des forces de l’ordre affectés à la route, des aménagements anti-bruit, etc. Il s’agit en outre ici des coûts collectifs, à savoir du coût de l’automobile non pris en charge par les automobilistes, mais par l’ensemble de la société. On pourrait ajouter les coûts privatifs (achat de voitures, entretien et réparations, carburant, stationnement, etc.)

En fait, les sommes en jeu sont tellement importantes et diversifiées qu’il est même difficile de savoir de quoi l’on parle vraiment.

Mais ce n’est pas grave, l’essentiel est de faire passer le message que le train en général et le TER en particulier est vraiment le mode de transport le plus cher et le plus subventionné.

Vous pouvez compter sur le gouvernement, la Cour des Comptes, la FNAUT et tous les grands médias pour marteler ce message : le train coûte trop cher et c’est pour cela qu’il faut l’ouvrir à la concurrence.

Et personne ne sera présent pour dire toutes les économies que le train apporte, en nombre de voitures en moins, en accidents en moins, en pollution en moins, en CO2 en moins, etc. et pour rappeler tout l’intérêt d’un grand service public ferroviaire face aux dégâts prévisibles de la libéralisation des chemins de fer.

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