Deux réponses en milieu néolibéral

Prise en charge comparée de l’épidémie en France et Allemagne.

https://entreleslignesentrelesmots.blog/2020/04/21/prise-en-charge-com

Extraits

Les chiffres de la mortalité

Commençons par les chiffres. Certes, les pourcentages et les taux indiqués ci-dessous peuvent varier selon les méthodes de calcul. Certes, les chiffres varient quelque peu selon les sources. Malgré tout, ces chiffres indiquent des tendances très nettes. Et en tout état de cause, le nombre des morts demeure un chiffre absolu.

Au 20 mars 2020, selon les statistiques publiées par l’Institut Robert Koch, l’autorité fédérale allemande de la santé, le taux de mortalité est de 0,26%. En France, il est de 3,5% (en Italie de 8,29%). Le taux allemand est comparable à celui de pays comme la Corée du Sud, la Norvège, la Russie ou Taiwan, qui ont choisi, en application des recommandations de l’OMS, de tester les personnes présentant des symptômes. Au 23 mars, la Saxe est en mesure d’accueillir dans ses hôpitaux, hormis quelques Français, dorénavant aussi quelques patients italiens.

Au 24 mars, on compte 130 décès en Allemagne et 860 décès en France. L’Allemagne compte 1,5 décès pour 1 000 000 habitants, tandis que la France en compte 13 pour le même nombre d’habitants.

Au 29 mars, selon l’Institut Robert Koch, l’Allemagne dénombre 389 décès sur 52 547 contaminés. Le taux de mortalité correspondant à ce chiffre, 0,5%, est l’un des plus faibles du monde. Au même moment, en France, avec 2 314 décès au 24 mars, le taux de mortalité lié au coronavirus tourne autour de 5%.

Au 14 avril, le taux de mortalité allemand tourne autour de 0,3%. En France, avec 15 729 morts (10 129 à l’hôpital et 5 600 dans les Ehpad), la France connaît un taux de mortalité de 5,09%

Au 30 mars, l’Allemagne enregistre 455 décès pour 57 298 personnes infectées. Son taux de létalité se situe autour de 0,7%. Alors même que ce pays n’a pas choisi le confinement strict, mais plutôt une distanciation sociale avec l’interdiction des réunions, mais l’autorisation de sortir pour faire ses courses, du sport ou travailler. En France, à la même date, le taux de létalité est de (de 8% en Italie).

Au 1er avril, sur 73 522 personnes infectées, l’Allemagne enregistre 872 décès. Le taux de mortalité est de 1,2%. Au 8 avril, pour 83 millions d’habitants (67 millions en France), l’Allemagne compte 1 800 morts et la France 10 000.

Au 17 avril 2020, l’Allemagne comptabilise 138 369 cas et 4 105 décès. Tandis que la France en compte 17 920 (sur 108 847 cas).9 Au 19 avril, enfin, ce sont 4 538 décès pour l’Allemagne et 19 718 morts en France, dont 12 069 décès observés en milieu hospitalier.

Précisons ici que, monstruosité de notre temps, de part et d’autre du Rhin comme dans le reste du monde, on a longtemps négligé dans ces calculs les décès dans les EHPAD et maisons de retraite.

Au 18 avril, en dépit du covid-19, l’Allemagne accueille 47 nouveaux mineurs non accompagnés arrivant de camps de réfugiés grecs (sur les 58 enfants initialement prévus).

Au 20 avril, l’Allemagne commence à se déconfiner. Le gouvernement allemand déclare que le pays prendra en charge le coût des soins prodigués aux patients européens atteints du covid-19 et nécessitant une assistance respiratoire qu’elle a accueillis dans ses hôpitaux. Ces coûts devraient atteindre près de 20 millions d’euros.

Pistes d’explications

Comment expliquer une situation si différente outre-Rhin ? Plusieurs pistes d’explication sont possibles.

Le dépistage précoce à grande échelle

Un système sanitaire plus performant

 

Une offre médicale plus variée

 

La structure productive en France et en Allemagne

 

Fédéralisme vs centralisme

 

Conclusion

Cette comparaison entre deux façons de procéder face à l’épidémie visait à montrer par contraste à quel points nos dirigeants hexagonaux sont, dans le cadre même de la logique néolibérale, en dessous même du faisable. Même dans le cadre du système, il était possible de prendre en charge l’épidémie de façon moins assassine.

Dans le monde, certains pays ont agi plutôt comme l’Allemagne, d’autres plutôt comme la France. Mais il ne s’agit là au fond que de deux variantes gestionnaires du même monde néolibéral. Où chacun a fait comme il a pu et voulu pour se survivre à lui-même. Ce monde-là jamais ne s’en prendra aux causes systémiques des pandémies.

Les causes de l’épidémie actuelle sont la conséquence d’une mondialisation économique régie par un objectif de profit et une concurrence sauvage entre quelques acteurs omnipotents. Sur une planète globalement malade à force d’exploitation, d’extraction, de déforestation, de destruction de la biodiversité et de dévastation des habitats naturels, les virus se propagent à leur aise. Une poignée de puissants capitalistes parmi les humains ne connaissent pas de limites à leur volonté d’exploitation et de domination. L’humanité entière le paie.

Les causes de la pandémie actuelle sont aussi idéologiques. Créés et stimulés par la publicité, des modes de consommation standardisés et des comportements intériorisés se sont planétarisés. À l’avenir, il s’agira de changer de cap sur ce terrain-là aussi : non seulement relocaliser, produire et consommer ce qui est essentiel, non seulement prendre en main ce que nous choisirons de produire, mais aussi reprendre la main sur nos pensées et sur nos valeurs.

De tels choix nous mèneront à reprendre en main « notre rapport à la santé ». À cesser de voir la réponse à nos maux dans la consommation de ce qui nous est prescrit par les multinationales pharmaceutiques. À reprendre en main notre santé en renforçant notre immunité en amont plutôt qu’en consommant en aval et sans discernement la chimie fabriquée par quelques puissants laboratoires. Le vaccin non plus n’est pas la panacée qu’on voudrait bien nous faire croire. Les vaccins antigrippaux sont loin d’être efficaces à 100%. Le médecin belge Thierry Schmitz rapporte l’exemple emblématique de la maison de retraite Berthelot à Lyon. À la fin de l’année 2017, l’épidémie de grippe y battait son plein. Deux tiers des 102 personnes de l’établissement sont touchées. 13 d’entre elles, âgées de plus de 90 ans et/ou souffrant de maladies chroniques, meurent. Or, sur ces 13 morts, 6 avaient été vaccinés. En tout, 14,5% des résidents vaccinés sont morts de la grippe. Et l’on a décompté 11,5% de morts chez ceux qui n’avaient pas été vacciné. En tout état de cause, rappelons que les virus mutent, au temps même de l’épidémie. Et que dans le contexte d’une planète malade, d’autres virus apparaîtront. Les vaccins peuvent être ponctuellement utiles, mais ils ne constituent pas la solution de fond aux problèmes sanitaires. Le vaccin produit par les laboratoires est leur solution pour que le monde puisse continuer à tourner comme il tourne avec eux.

Pour reprendre en main notre santé, il s’agira avant toute chose de soigner la planète. Pour mieux nous porter, vivre sur une planète saine, œuvrer pour une planète saine. Comme l’expliquent tant de lanceurs d’alerte, tel Serge Morand, dont les recherches portent sur les impacts des changements planétaires et sur les liens entre conservation de la biodiversité, santé et société, « la biodiversité protège des maladies infectieuses. » Gestion à l’allemande ou gestion à la française, on est loin du compte.

Danielle Moralès, historienne et germaniste

20 avril 2020