Des épiciers de Tarnac à l’institutrice de Gentioux

L’histoire se répète !

Ce mardi 15 juin dès l’aube, un cortège de gardes mobiles, de gendarmes et d’encagoulés de la milice antiterroriste de l’ouest-parisien ont investi un petit hameau de la commune de Gentioux, en Creuse, sur le plateau de Millevaches . Cette petite bourgade de 350 âmes jusqu’ici surtout connue pour son monument aux morts anti-militariste, s’est réveillée brutalement avec l’annonce de l’arrestation musclée de l’institutrice de l’école communale, à trois semaines à peine de son départ à la retraite.

Il aura fallu quelques heures aux riverains rapidement attroupés devant les barrages d’hommes armés, nombreux et assermentés, pour comprendre de quoi il retournait. Quelques-unes au regard aguerri et à la mémoire vive, eurent tôt fait de reconnaître les glorieux insignes de la Sous-Direction Anti-Terroriste de sinistre mémoire dans ces campagnes reculées. Les fins limiers des beaux quartiers parisiens -qui avaient été rendus à leur ridicule premier au bout des 10 longues années de la pantalonnade de « l’Affaire Tarnac »- auraient donc tenté une forme de come-back raté à la manière de quelque pop-star déchue et alcoolisée.

A quelques jours d’élections territoriales que tout le monde semble ignorer, à part celles et ceux qui rêvent à leur tour d’infliger un camouflet au souverain du moment, l’opération téléphonée pourrait faire sourire. Les conseillers du prince, qui n’ont visiblement lu que le quatrième de couverture des œuvres complètes de Machiavel, ont cru bon de ressortir l’épouvantail de l’ultra-gauche « tapie dans l’ombre » de zones rurales en voie d’ensauvagement.

Ce seraient donc 7 personnes qui ont été arrêtées ce mardi lors de perquisitions en différents endroits du vieux Limousin, pour être emmenées toutes sirènes hurlantes de leurs domiciles éventrés vers l’ex-capitale régionale et les sous-sols du commissariat central ou d’autres geôles à proximité. Jusqu’à 96H de garde à vue pour « destructions en Bande Organisée » les y attendent avant leur éventuelle redirection vers les juridictions compétentes. La dispersion des endroits de perquisition et la diversité des personnes interpellées ou convoquées, investies, chacune à leur endroit, dans les luttes sociales et culturelles du Limousin, laisse penser à une forme de pêche à la grenade où, ne sachant où chercher, on veut remuer le fond.

La presse régionale relaye bientôt cette opération rondement menée par la coopération inter-services de la police judiciaire de Limoges, du groupe de recherche de la Gendarmerie Nationale et nous explique enfin, à l’heure des nouvelles du soir, ce qu’on peut bien reprocher à l’institutrice et aux 5 autres interpellé.e.s.

Les voici donc publiquement accusées d’avoir participé à des faits de « destructions matérielles en bande organisée portant atteinte aux intérêts de la Nation ». L’incendie, en début d’année, d’antennes TDF de diffusion de la TNT et de la téléphonie mobile, ayant privé l’espace de quelques jours 1,4 millions de personnes de leurs programmes TV préférés aux premières heures de la pandémie et du déploiement du réseau 5G… Et puis aussi un autre incendie, non élucidé, qui traînait dans les cartons, celui-là sur des véhicules Enedis en pleine campagne d’installation des mal-aimés compteurs intelligents Linky.

Quoi qu’on pense de ces actes, on peut se demander ce qui a bien pu pousser à de tels déploiements de forces pour cueillir des personnes isolées, facilement convocables et trouvables, connues de toutes et tous et vivant au grand jour.

M.C, est institutrice, directrice d’école, habitante engagée dans la vie de la commune, connue et appréciée du plus grand nombre, comme toutes les autres personnes arrêtées ce jour, pêle-mêle, infirmière, chargée de cours à la fac, menuisière, potière, maçon…

En traitant ces personnes de la sorte, le parquet et les forces de l’ordre ne font pas que rejouer la désastreuse pièce politico-judiciaire de Tarnac, elles infligent un nouvel affront à toutes celles et ceux qui ne se résignent pas au cours du monde tel qu’il va, qui se voient une nouvelle fois instrumentalisées dans le petit théâtre d’ombres des services de renseignement français et leurs vulgaires effets d’entraînement pré-électoraux.

Le plateau de Millevaches était déjà le terrain d’entraînement privilégié pour les manœuvres militaires aériennes et terrestres du fait de sa faible densité d’habitants, ainsi que le théâtre quotidien d’une dévastation systématique des sols et de l’eau par la filière industrielle du bois. Il semble aussi devenir un des terrains d’expérimentation habituel de très politiques manœuvres de fabrication d’« ennemis intérieurs ». Sortes de croquemitaines des confins, dans la famille des clowns tueurs, on avait les « épiciers terroristes », on aura désormais les institutrices incendiaires. Bravo !

Démontrons aux mauvais scénaristes du pouvoir que leurs ficelles sont usées et que plus rien ne pourra contenir le dégoût et la colère que partout ils suscitent, en assurant un soutien massif et sans ambages aux interpellé.e.s du 15 juin.

A très vite.

Des riveraines et riverains consternées.

PS : nous apprenons qu’une des 6 personnes encore en garde à vue à ce jour vient d’être libérée sans charge ce mercredi soir.

https://lundi.am/Des-epiciers-de-Tarnac-a-l-institutrice-de-Gentioux

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Article du mercredi 16 juin

Gentioux (23340), 6h du matin : de nombreux véhicules de police et gendarmerie bouclent le village du Mont. Une maison est perquisitionnée, une femme entendue. Tout le voisinage est confiné de force dans son logement, et toute entrée dans le village est barrée.
Certaines personnes (peut-être au courant de la démesure habituelle des cow-boys en cagoule, qui laisse parfois derrière elle des blessés ou des morts ?) s’inquiètent de cette situation, et font passer le mot qu’une arrestation est en cours. Vers 9h, alors que persquisition et interrogatoire se poursuivent, mais la route rouverte, une trentaine de personnes des environs s’est rassemblée pour exprimer sa méfiance envers cette opération, qui consiste tout de même à interpeller… l’institutrice et directrice de l’école du village.

On apprendra dans la journée que des opérations similaires ont été menées dans le nord-ouest de la Haute-Vienne au même moment, conduisant au total à l’arrestation de 7 personnes dont 6 sont ce soir toujours gardées à vue.

L’enquête est sous le régime de l’antiterrorisme. Les policier.e.s et gendarmes qui sont intervenu.e.s étaient notamment des membres de la SDAT (Sous-direction de l’antiterrorisme à Levallois-Perret) et du PSIG (Peloton spécial d’intervention de la gendarmerie), armés, gilets pare-ballés, cagoulés, équipés de gazeuses et de tout le genre d’attirail absurde qui sied à cette engeance. Deux juges d’instruction, dont un spécialiste de la terrorisation de la population (« antiterroriste »).

Les faits reprochés sont des dégradations de biens, à savoir l’antenne-relais des Cars près de Limoges et des véhicules appartenant à Enedis, en janvier 2020 et janvier 2021.

Le récit, on le connaît déjà : groupuscule radicalisé blabla des leaders et des exécutants blabla pas de fumée sans feu blabla il faut défendre le système blabla nous faisons tout notre possible balbal faites-nous confiaaaaaaance.

Tout ça à trois jours des élections (dont par ailleurs tout le monde se fout).

Les morts, pendant ce temps, c’est ceux d’un système hospitalier consciemment démantelé, d’un système social en état d’abandon manifeste, d’un système policier putschiste, d’un système patriarcal hystérique, liste non exhaustive.

Gentioux (23340), mardi 15 juin, 6h du soir : derrière la statue du gamin du monument aux morts qui lève le poing en direction de l’inscription « Maudite soit la guerre », plus d’une centaine de personnes sont réunies sous les tilleuls devant l’école. Quelques prises de parole se succèdent, les unes pour donner un exposé succinct de la situation, les autres pour faire part de leur solidarité, ou raconter leur expérience de « voisins » de l’opération du matin. La parole est difficile. Comme perturbée, hallucinée. Même alors que paraissent les premiers articles de presse, ceux de France Bleu ou du Populaire « la voix de son maître » du Centre, tout le monde reste incrédule, sidéré par la démesure. L’opération de terrorisation habituelle commence à ressembler à ce qu’elle est, la détestable carte dans la manche d’un État aux abois.

Y a pas moyen. On se donne rendez-vous demain à Limoges.

NOUS NE NOUS LAISSERONS PAS TERRORISER

https://labogue.info/spip.php?article1040

Communiqué de l’intersyndicale

https://labogue.info/IMG/pdf/communique_de_presse_snuipp-fsu.pdf

Communiqué de l’UCL

https://labogue.info/IMG/pdf/ucl.pdf