Le QR Code, qu’est-ce que c’est ?

Intervention sur Radio Plus Douvrin 104.3 FM

Cela s’est passé dans l’émission « l’air du temps », le lundi 6 septembre, un peu avant 10 h.

Le document que l’on retrouve en audio  sur le site de radioPlus est plus court car il faut tenir compte du fait que le temps d’antenne est normalement limité. Le texte qui suit est celui plus complet.
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Ce QR code se présente comme une sorte de damier complexe, constitué de petits carrés noirs sur fond blanc. En fait, il se trouve un peu partout … remplaçant quelquefois le code-barre, mais bien souvent, on n’y faisait pas attention …  et c’est seulement lorsque nous l’avons vu figurer sur notre passeport sanitaire que nous nous sommes rendu compte de l’importance de ce pictogramme

Le QR code signifie »Quick response code », pour “code à réponse rapide” en anglais. Il s’agit en fait d’un code barre en deux dimensions, qui permet de stocker des données numériques.

Sa forme n’est pas due au hasard: elle est inspirée du célèbre jeu japonais, le go. En effet, le QR code a été créé par l’ingénieur japonais Masahiro Hara, en 1994. D’abord mis au point pour suivre les pièces détachées dans les usines Toyota, c’est donc au Japon qu’il est devenu le plus populaire, il est ensuite utilisé en Chine comme outil de surveillance des Ouïgours : des QR code sont mis en place sur leurs portes et celles des contestataires  afin de les tracer et de donner toutes les informations nécessaires à celui qui les scanne.

Dans les autres pays, dont la France, le QR code s’est popularisé bien plus tardivement. C’est seulement depuis le début des années 2010 que son utilisation est devenue plus quotidienne. Aujourd’hui, il est possible de présenter son billet de train de cette façon, lire les menus de certains restaurants, ou encore faire valider son ticket de cinéma. A l’époque covidienne, le QR code sert principalement pour autoriser ou refuser l’accès à des immeubles, commerces ou parcs. A terme, cela servira pour un contrôle général de la population.

Je suppose que dans ce petit dessin figurent des données numériques donc des informations … et la plupart le savent et s’en servent d’ailleurs en scannant ces petits carrés avec leur smartphone … pour obtenir le menu d’un restaurant, par exemple … mais depuis la généralisation du passeport sanitaire, ce QR Code est devenu monnaie courante puisqu’il figure dessus permettant d’accéder aux lieux de culture, restaurants ou encore de prendre le train … Un agent de contrôle le scanne pour en vérifier la validité et permettre l’accès dans ces lieux mais justement que lui montre ce scan ?

Que contient le QR code du pass « sanitaire » ?

En plus des éléments relevant de l’identité de la personne, le QR code contient des informations à propos de la vaccination. Nombre de doses, type de vaccin, date de la vaccination. Mais ces éléments ne sont pas accessibles au grand public, il s’agit de données chiffrées : personne, à part l’Assurance maladie, n’en a connaissance, et ne peut y accéder.

Comme l’a rappelé Armand Heslot, chef de service de l’expertise technologique de la Cnil sur le plateau de BFM Business, les personnes qui contrôlent le pass sanitaire « n’ont aucun moyen de savoir si le client a été vacciné, a un test négatif ou bien une immunité après avoir contracté le Covid-19 ». En utilisant l’application de contrôle TousAntiCovid Vérif, les seules informations qui apparaissent sont les nom et prénom, la date de naissance de la personne et la validité ou non du pass sanitaire.

C’est d’ailleurs pour assurer cette sécurité que la CNIL (Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés) a rappelé à l’ordre sur les alternatives à l’application TousAntiCovid Vérif. Pour garantir le respect de la vie privée des utilisateurs, les applications qui se substituent à TousAntiCovid Vérif doivent respecter un cahier des charges strict et similaire à l’application du gouvernement.

Impossible de pister quelqu’un.

Ces QR Code sont donc des vecteurs de données qui, même si elles ne sont pas visibles pour un contrôleur, figurent quand même bien dans ce petit carré mystérieux … alors d’où viennent ces informations et surtout où sont-elles stockées ?

Conformément aux recommandations formulées par la CNIL, dans un avis en date du 7 juin, les personnes en charge des contrôles ne peuvent donc lire qu’une partie des informations qui figurent sur votre QR code pass. Elles ne peuvent pas savoir si vous l’avez acquis grâce à un vaccin, à un test, ou à une immunité temporaire au Covid-19.

Après l’obligation de se faire vacciner pour nombre de professionnels de la santé ou en contact avec du public, le gouvernement a mis en place le pass « sanitaire ».

Il faut tout de même rappeler les pratiques du pouvoir en place depuis mars 2020. Dans un premier temps, le masque ne servait à rien ; puis il a été imposé. Ensuite, la vaccination n’allait pas être imposée. Maintenant, elle n’est pas obligatoire mais, si on ne passe pas par cet acte médical, on ne pourra pas aller au restaurant, au cinéma, faire de sports, on ne pourra plus travailler,  participer aux activités des enfants,  rentrer dans des salles communales. Par ailleurs, il est étonnant, dans cette logique, de constater qu’on n’a pas besoin de QR code  pass pour assister à une réunion de conseil municipal. Pas besoin de pass pour aller à l’assemblée nationale ; pas besoin non plus pour allez dans tous les petits commerces mais il en faut un dans les centres commerciaux Pas d’obligation de vaccination pour les policiers, mais obligation pour les personnels soignants. Cherchez la logique.

Comme chacun sait, l’explosion quantitative des données numériques a obligé les chercheurs à trouver de nouvelles manières de voir et d’analyser le monde …. Il s’agit de découvrir de nouveaux ordres de grandeur concernant la capture, la recherche, le partage, le stockage, l’analyse et la présentation des données …. Ainsi est né le « Big Data ». Il s’agit d’un concept permettant de stocker un nombre indicible d’informations sur une base numérique … je suppose qu’on y trouvera celles qui figurent sur le passeport sanitaire …. Est-ce dangereux ?

C’est effectivement très inquiétant. Ce n’est pas nouveau, nous en avons déjà parlé. On est à une phase de l’histoire très critique. D’un coté les forces dites de progrès nous bassinent avec l’accélération indispensable de la numérisation à outrance. De l’autre, certaines forces montrent non seulement les dangers de cette politique mais veulent mettre en avant l’aspect humain de notre existence, en lien avec la nature et les animaux. Il n’y a aucun accord possible entre ces deux façons de faire.  La première méthode oblige à utiliser de plus en plus d’informations pour mieux formater et pour mieux contrôler –c’est-à-dire exclure- la population. Il faut donc aller de plus en plus de l’avant dans la collecte de données. Le QR code pass est l’un des éléments. Ce n’est pas le plus dangereux mais cela fait partie de la panoplie pour mettre en place cette politique suicidaire. Je vous conseille à ce sujet le livre qui va paraitre ce jeudi 9 septembre et intitulé : « le monde de la 5G, la démocratie en péril ». Un livre à lire absolument pour comprendre ce qui se passe.

En tout cas, ce QR Code a été créé pour un usage industriel et le voilà à présent dans une utilisation grand Public …. Puisque par exemple, la nouvelle carte d’identité en est équipée en plus d’une puce … et cela risque de se généraliser pour beaucoup d’autres papiers administratifs …. Alors si le premier usage ne présente aucun enjeu de sécurité …. Le second, en revanche se doit d’être, d’abord, infalsifiable … Est-ce garanti ? Y-a-t-il une garantie contre la fraude ?

Aucune garantie. D’ailleurs, on peut se servir du QR code pass de son voisin pour aller au cinéma ou ailleurs. Il suffit de ne pas se faire contrôler par la police. Mais ce n’est pas ce jeu-là qui m’intéresse. D’ailleurs, l’inefficacité globale  du passe sanitaire pourrait servir de prétexte pour le perfectionner, notamment en permettant aux contrôleurs non-policiers de détecter les échanges de passe.

On est devant un problème grave. C’est très bien expliqué par un de mes amis. Je cite :

« L’instauration de ce pass et de ce QR code pass dépasse très largement le domaine sanitaire, et affecte très gravement nos libertés, de travailler, circuler, nous réunir. Cela rappelle les ausweis Allemands nécessaires à la circulation lors de la seconde guerre mondiale.

Depuis maintenant plusieurs années, nous somme passés en logique inversée. Alors qu’autrefois toute personnes était présumée innocente, elle est désormais suspecte, considérée comme potentiellement dangereuse.

Réduire ce pass à une opposition entre pro et anti-vaccins est réducteur de la problématique, et de surcroît stigmatise une partie de la population, qualifiée d’inconsciente, irresponsable, dangereuse pour les autres.

Nos dirigeants utilisent des chocs émotionnels très forts  pour adopter des mesures qui auraient été combattues et rejetées par la population en temps normal »
C’est ce qu’expliquait Naomi Klein avec son livre sur « la stratégie du choc ».

On arrive aussi à des pratiques déplorables. Par exemple : Un organisme communautaire prive des familles démunies de panier de nourriture parce qu’elles n’ont pas de passeport vaccinal. Par exemple, si un cas de covid se présente à l’école, les non-vaccinés devront repartir chez eux ! Inacceptable ! C’est de la discrimination.

Alors que nombres de scientifiques expliquent que les personnes vaccinées peuvent aussi attraper ce virus et le transmettre, la dictature sanitaire continue : les vaccins sont de moins en moins pertinents … mais on continue à vacciner et à forcer.

En tout cas, comme c’est parti, je pense que le QR Code a de beaux jours devant lui …. Ce qu’il ne faudrait pas c’est qu’il soit incontournable obligeant les usages à se munir absolument d’un smartphone …..

Cela rappelle ce que nous avons dit lorsque nous avons évoqué, lors d’une émission précédente,  le problème de l’illectronisme.  Je n’y reviens pas sur cet aspect du problème.
Ce qui me gêne beaucoup plus est cette course effrénée vers la numérisation de la société et son utilisation.

Il suffit de lire le rapport de 3 sénateurs, rapport intitulé : « Sur les crises sanitaires et outils numériques : répondre avec efficacité pour retrouver nos libertés ».

Extraits

« dans les situations de crise les plus extrêmes, les outils numériques pourraient permettre d’exercer un contrôle effectif, exhaustif et en temps réel du respect des restrictions par la population, assorti le cas échéant de sanctions dissuasives, et fondé sur une exploitation des données personnelles encore plus dérogatoire. »

* « Plus la menace sera grande, plus les sociétés seront prêtes à accepter des technologies intrusives, et des restrictions plus fortes à leurs libertés individuelles – et c’est logique. »

* « La crise actuelle nous donne déjà toutes les raisons de veiller à la protection de nos droits et libertés. Mais elle nous donne aussi toutes les bonnes raisons de recourir davantage aux outils numériques, en conscience et en responsabilité – parce qu’ils sont potentiellement bien plus efficaces que les autres méthodes, parce qu’ils pourraient permettre de retrouver bien plus rapidement nos libertés « physiques », et parce que si nous ne le faisons pas, d’autres le feront pour nous. »

* « La crise actuelle nous donne déjà toutes les raisons de veiller à la protection de nos droits et libertés.

Quand il est avancé un risque de dictature numérique, les parlementaires répondent : « tout ceci n’est pas le problème. Si une “dictature” sauve des vies pendant qu’une “démocratie” pleure ses morts, la bonne attitude n’est pas de se réfugier dans des positions de principe. »

C’est énorme. Cela dépasse le simple problème du QR code nommé autrement par une association militante grenobloise : cul Herr kode.

Il ne faut pas oublier que : « la liberté des uns s’arrête là où commence celle des autres »… car les smartphones représentent des mines posées un peu partout pour les personnes éléctrosensibles qui ne peuvent plus circuler « librement » (et depuis longtemps), sans risquer de violentes recrudescences de symptômes, maux de têtes, vertiges, douleurs.

En tout cas, il est aussi trop facile de critiquer le pouvoir en place ; il ne faut pas oublier ce que disait Etienne de la Boétie dans son livre « le discours de la servitude volontaire ».

Comme le dit autrement et de façon plus actuelle Pièces et main d’œuvre :

«  Il ne s’agit plus de nous contenter de discours et de pétitions pour satisfaire nos consciences, mais de refuser purement, simplement et définitivement ces outils mortifères, boycotter leur utilisation, y résister dans les espaces sociaux et collectifs où nous vivons et travaillons.

Il est parfaitement illusoire de continuer prétendre s’opposer aux « abus » liés à ces moyens de contrôle tout en nourrissant nous-mêmes quotidiennement leur développement et leur invasion par des pratiques qu’en notre for intérieur nous osons penser vertueuses et responsables. Il faut les rejeter. Le premier front de combat pour la liberté se situe à l’intérieur de nous-mêmes. Face à l’enfer totalitaire du « crédit social », il nous reste la possibilité de ne pas faire, de nous retirer du game : cela signifie retrait, boycott, indifférence. Rester à distance de l’emballement du capitalisme technologique est désormais un combat essentiel pour réhumaniser nos destinées collectives. »

Si on ne fait rien, demain, on sera tous Ouighours.

Pour terminer, il faut tout de même se pose des questions sur l’attitude de partis politiques, d’associations, de syndicats qui, d’habitude, sont aux premiers rangs pour s’opposer aux attaques liberticides et aux manipulations de la population. On peut être étonné d’ailleurs d’entendre des sénateurs socialistes (et pas des petits) demander la vaccination obligatoire … sans même réfléchir sur ce que cela signifie fondamentalement. Dans ce combat  qui nous intéresse, on n’entend pas une mouche voler … ou si peu : c’est très inquiétant !

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Pour écouter la rediffusion : à partir de mercredi 8 septembre dès 6h ; sur Radio Plus, 104.3FM, en DAB+ sur les récepteurs équipés, sur radioplus.fr

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Deux articles intéressants sur le sujet

Premier article

Parle à mon cul, Herr Kode ! Nos vies, décidément, sont ailleurs

https://www.piecesetmaindoeuvre.com/spip.php?page=resume&id_article=1536

Extraits

Jusqu’à présent, la technocratie capitaliste nous avait vendu notre auto-incarcération dans le monde machine en l’enrobant de beaucoup de guimauve : nous pouvions commander des sushis et des sex-toys depuis notre technococon, puis demander au tracker de notre ordiphone de compter nos pets et nos pas quotidiens ainsi que les calories brûlées pendant nos galipettes. Combien d’entre nous ont fini par céder à ces offres empoisonnées de confort factice, de pseudo facilitation et d’assistance saugrenue, avec l’illusion d’un pouvoir gagné à coup d’applis sur la maîtrise de nos vies ? Après des années de mièvrerie consumériste, nous voici désormais projetés au stade disciplinaire pur : celui où le système technocratique officialise -avec l’invention d’un passeport intérieur- la menace de démolir la vie sociale de celles et ceux qui ne vivent pas ou pas encore totalement sous prothèse.

La fréquentation des hôpitaux, des cafés, des salles de sport, des campings, des théâtres, des cinémas, etc. est désormais réservée à des systèmes immunitaires validés et numériquement contrôlés. Le biopouvoir avance, fracturant et triant les populations. Nos existences se retrouvent réduites à une survie biologique étrangère à tout ce qui constitue leur richesse et leur profondeur. On ne peut désormais plus profiter d’un simulacre de vie normale qu’une fois injecté et appareillé, en intériorisant le contrôle et la répression. À la suite de ses collègues Cédric O (« Le pass sanitaire est un sésame vers la liberté ») et Gabriel Attal (« Le pass sanitaire, c’est la liberté »), Mme Bachelot déclarait le 9 juillet : « le pass sanitaire, c’est facile » ; « Les Français détiennent entre leurs mains le fait de vivre normalement » ; « Certains se font une montagne du pass sanitaire. Ce n’est pas vrai. On a tous un smartphone ». Tous ? Il tient pourtant encore à chacun d’entre nous d’en avoir, … ou pas. D’avoir quoi donc ? Un ordiphone ? Quelque chose de Tennessee ? Ou bien un reste de décence, et la capacité de dire merde ?

 Nos gouvernants ne font finalement que mettre en application ce que les patrons de Google, Eric Schmidt et Jared Cohen, réclamaient impatiemment dans leur ouvrage The New Digital Age. Reshaping the Future of People, Nations and Business, sorti en 2013 : « Les gouvernements doivent décider, par exemple, qu’il est trop risqué que des citoyens restent « hors ligne », détachés de l’écosystème technologique. Dans le futur comme aujourd’hui, nous pouvons être certains que des individus refuseront d’adopter et d’utiliser la technologie, et ne voudront rien avoir à faire avec des profils virtuels, des bases de données en ligne ou des smartphones. Un gouvernement devra considérer qu’une personne qui n’adhèrera pas du tout à ces technologies a quelque chose à cacher et compte probablement enfreindre la loi, et ce gouvernement devra établir une liste de ces personnes cachées, comme mesure antiterroriste. Si vous n’avez aucun profil social virtuel enregistré ou pas d’abonnement pour un portable, et si vos références en ligne sont inhabituellement difficiles à trouver, alors vous devrez être considéré comme un candidat à l’inscription sur cette liste. »

On peut imaginer que les capitalistes et leurs gouvernements avancent dans leur work in progress (et non leur complot), inévitablement autoritaire et néo-malthusien, vers le tri des populations qu’on jugera en droit ou non d’accéder aux secours, à l’eau, à la nourriture, à l’ensemble des biens et des ressources essentiels. Il importe de dresser le corps social pour le neutraliser à mesure que les effets du changement climatique et de la crise du vivant se feront ressentir, les uns après les autres, dans la course au précipice où le capitalisme entraîne l’humanité1. Mais il serait trop facile de trop reprocher à Macron et à ses semblables. La banalisation des technologies de contrôle, de surveillance et de contrainte, la vélocité de leur invasion jusque dans les recoins de nos vies, ne sont possibles que par notre servitude volontaire, encouragée par la peur, la pression de conformité et le sentiment de honte (la crainte de passer pour un « illectronique » ou un irresponsable).

Au pied du mur, désormais réduits à choisir entre la condition de zombie et celle de paria, c’est à nous d’en finir avec les « on a tous » et « c’est facile ». Car c’est aussi facile, pour peu qu’on rouvre les yeux, de dire merde.

 

Deuxième article

L’immunité, l’exception, la mort, penser ce qui nous arrive

https://lundi.am/L-immunite-l-exception-la-mort-4-4

Extraits

Olivier Cheval revient pour décortiquer le dispositif du passe sanitaire à partir de l’œuvre méconnue du philosophe tchécoslovaque Vilém Flusser. Si nous avons quelques sérieuses réserves quant à certaines conclusions, c’est la meilleur analyse de la séquence gouvernementale et du sens à donner au passe sanitaire que nous ayons lu jusqu’à présent.

1.
Un passe sanitaire numérique est donc désormais demandé à l’entrée des bars et des restaurants, des cinémas et des théâtres, des musées et des salles de sport, des boîtes de nuit et des centres commerciaux, des TGV et des avions. Pour voyager, pour se divertir, pour se rencontrer, il faut pouvoir prouver son innocuité virale à l’aide d’un ensemble de carrés noirs et blancs lisible par une machine dotée d’un capteur photographique et d’une liaison internet, ensemble qui a été nommé Quick response code et que l’on surnomme, pour tendre à devenir aussi rapide que la machine, un QR code. Ce dispositif de tri et de contrôle vise officiellement à inciter le plus grand nombre à la vaccination : plutôt qu’une politique nationale de vaccination obligatoire, l’État a choisi le chantage par la menace faite à chaque individu d’une privation de son droit à la sociabilité et à la circulation dans l’espace public. L’aboutissement de cette politique de la menace sera le déremboursement des tests, sauf prescription médicale, au mois d’octobre, afin que seules les personnes vaccinées ou contaminées depuis moins de six mois soient en mesure d’accéder à ces lieux et services. Les personnes non-vaccinées devront payer le prix d’un test pour obtenir trois jours de sursis, faute de quoi, comme au temps des confinements, elles seront privées des lieux dits non-essentiels. Alors même que tous les autres pourront en jouir.

Le passe sanitaire n’est pas d’abord, contrairement à ce que son nom semble indiquer, un dispositif sanitaire : il prive les non-vaccinés d’accès à certains lieux parmi les plus spacieux et les plus ouverts, comme les terrasses et les musées, pour contraindre leurs moments de convivialité à l’étroitesse des espaces domestiques, alors qu’il a été depuis longtemps établi que le covid-19 était une maladie qui se contractait par concentration d’aérosols dans les intérieurs petits et clos. Le passe sanitaire est d’abord un dispositif sécuritaire, carcéral et stratégique : il est le nom de notre plus grande défaite politique de ce début de siècle. Sa mise en place intervient après l’instauration du bracelet électronique comme mesure judiciaire en 1997 et la délivrance de passeports biométriques depuis 2009. À la suite de ces deux objets nouveaux et pourtant désormais banalisés, au sens où personne dans le débat public ne propose plus leur abolition, il participe à identifier l’individu à un code numérique ; à lier sa liberté de mouvement à ce qui est inscrit sur ce code ; à délier cette contrainte d’une mesure judiciaire, pour que chacun soit traité comme un criminel ou un danger potentiel — une bombe bactériologique, désormais. La grande perversité néolibérale du passe sanitaire est qu’il incite chaque citoyen à réclamer son code, par un acte libre, une prise de rendez-vous sur internet le plus souvent, quand personne n’avait encore jamais réclamé la pose d’un bracelet à sa cheville. La grande violence autoritaire du passe, elle, est qu’il transforme un bon million d’individus, ouvreurs de cinéma, serveurs de restaurants, propriétaires de bars, surveillants de musée, caissiers de piscines, organisateurs de fêtes de village, en enregistreurs de codes-barres, en vérificateurs d’identité numérique — en un prodigieux contingent de police 2.0.

Il y a un an, au sortir du premier séquestre, la mise en place d’un tel dispositif de tri, de contrôle et de surveillance assisté numériquement était l’une des hypothèses de ce que la presse libérale appelait la théorie du complot du « Grand Reset », de la Grande Réinitialisation. Il y a six mois, le Président de la République et ses porte-voix assuraient la main sur le cœur que jamais ils n’auraient recours à un dispositif qui créerait deux catégories de citoyens — on ne scinde pas la République, disaient-ils. Le complot annoncé a eu lieu tandis que la promesse gouvernementale a été trahie. Devinez qui la presse libérale accuse d’un rapport altéré à la réalité. « Dans le monde réellement renversé, le vrai est un moment du faux ».