« La voiture électrique est bonne pour le climat ! »

Un entretien dans Alternatives Économiques

Cédric Philibert n’est pas un inconnu. Il a notamment écrit un livre sur les éoliennes : « Éoliennes, pourquoi tant de haine ? »

Cela lui a valu une réponse de l’association Escrebieux

https://escrebieux-environnement.fr/site/basta-media-interroge/

C. Philibert n’a pas répondu. Peut-être parce que Basta ne lui a pas envoyé le message !!!

C. Philibert récidive avec un nouveau livre pour défendre la voiture électrique.

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Comme les éoliennes et d’autres technologies de la transition énergétique, la « watture » essuie un feu roulant de critiques venues de tous les côtés de l’échiquier politique. Elle émettrait en fait beaucoup de CO2 à cause de ses batteries, se heurterait au mur des ressources minières et exploiterait les enfants des mines de cobalt, serait forcément plus chère…

Dans son nouveau livre tout juste paru, Pourquoi la voiture électrique est bonne pour le climat, Cédric Philibert, spécialiste de l’énergie, chercheur associé à l’Institut français des relations internationales (Ifri) après avoir travaillé pendant vingt ans à l’Agence internationale de l’énergie, démonte méthodiquement les préjugés contre la voiture électrique, comme il s’était attaqué dans son précédent ouvrage aux arguments des marchands de doute de l’éolien.

Il démontre dans ce livre pourquoi la voiture électrique est bonne pour le climat et même indispensable pour réussir la transition bas carbone.

La voiture électrique fait l’objet de nombreuses critiques. Pour commencer, son bilan carbone ne serait pas si glorieux, surtout si l’on compare un gros SUV électrique à une petite citadine essence…

Cédric Philibert : Cette comparaison n’a pas grand sens. Un gros 4×4 consommera toujours plus d’énergie et de matériaux qu’une petite auto. Si on compare ce qui est comparable, il n’y a aucun doute sur le fait qu’une voiture électrique émet beaucoup moins de CO2 que son équivalent thermique.

Les électriques génèrent en gros deux fois plus d’émissions de CO2 à la construction, en raison des batteries, c’est un fait. En moyenne, si on répartit ces émissions sur 200 000 km, la fabrication d’une voiture thermique émet 25 grammes de CO2 par kilomètre contre 50 pour une électrique. Mais il faut évidemment ajouter à ce bilan les émissions liées à l’usage : d’un côté, le pétrole que l’on brûle, de l’autre, le contenu carbone d’une électricité encore largement produite avec du charbon et du gaz.

Au total, une voiture thermique émet en moyenne 250 gCO2/km. En face, une électrique émet 150 gCO2/km dans le pire des cas, celui où elle serait produite en Chine et roulerait en Pologne. Mais à l’échelle de l’Europe, ce bilan n’excède pas 100 gCO2/km. Il tombe encore plus bas en France où notre électricité est très peu carbonée.

Par ailleurs, beaucoup d’études sous-estiment la vitesse de la décarbonation des systèmes électriques. En 2023, les émissions de CO2 mondiales n’ont progressé que de 1 %, tandis que la consommation d’électricité a crû de 5 %. Pourquoi ? Grâce à la croissance exponentielle du photovoltaïque et de l’éolien.

Aujourd’hui, en intégrant l’hydroélectricité, qui progresse lentement, les énergies renouvelables représentent 30 % du mix électrique mondial. Avec des coûts devenus très compétitifs, la dynamique du solaire et de l’éolien est telle que nous aurons dépassé les 50 % avant 2030. Or une voiture électrique mise en service aujourd’hui roulera en 2030 et bien au-delà. Elle consommera donc une électricité qui sera déjà beaucoup moins carbonée qu’aujourd’hui, et son bilan CO2 n’en sera que meilleur.

On oublie enfin que ces voitures ont des batteries. Et que pour la plupart, elles sont immobiles près de vingt-trois heures sur vingt-quatre. Si elles sont branchées lorsqu’elles sont à l’arrêt, il est techniquement possible de déclencher la charge au moment où les coûts de l’électricité sont les plus bas sur le réseau, c’est-à-dire en dehors des pointes de demande, quand il faut compléter la production électrique à partir de moyens thermiques.

Une gestion de la charge avec un tel signal-prix améliorerait encore le bilan CO2 de la voiture électrique et permettrait au consommateur d’optimiser sa facture d’électricité. Elle facilite aussi l’intégration des énergies éoliennes et solaires dans les réseaux.

Il y a un peu une fixation sur les grosses voitures électriques, parce que les constructeurs les ont privilégiées jusqu’à présent, les marges étant meilleures. Malgré la Zoé et la Spring, on ne voit pas encore beaucoup de petites électriques. Bien sûr, il faut les préférer, mais elles ne conviennent pas à tout le monde. Notons en tout cas que passer d’un SUV thermique à un SUV électrique fait davantage baisser les émissions de CO2 que passer d’une petite thermique à une petite électrique !

On entend également souvent dire que la voiture à hydrogène serait préférable…

C. P. : Outre un coût de fabrication bien plus élevé, le problème de la voiture à hydrogène est qu’elle consomme trois fois plus d’électricité au kilomètre que la voiture électrique. De l’électrolyse pour produire l’hydrogène jusqu’à sa conversion dans le véhicule en énergie de traction, en passant par les infrastructures de stockage et de transport, les pertes sont très importantes : de l’ordre de 70 % à 80 %.

C’est très cher payer l’autonomie qu’apporte l’hydrogène par rapport à l’électrique. Avec une voiture électrique, la perte d’énergie de la centrale à la roue est de 20 % à 30 % seulement. Ce n’est pas un hasard si le marché de la voiture hydrogène ne décolle pas quand celui de l’électrique explose.

Le vélo ou le train, c’est quand même mieux que la voiture électrique, non ? N’est-elle pas un alibi « techno-solutionniste » pour faire croire qu’on peut réussir la transition sans changer nos modes de déplacement ?

C. P. : Je revendique le « techno-solutionnisme » ! Entre l’homme et la nature, il y a toujours la technique. Quel mal y a-t-il à trouver des solutions techniques ? On peut avoir des techniques plus ou moins polluantes, plus ou moins agressives envers la nature.

Je suis pour la sobriété, sur la base de choix volontaires et démocratiques. Je regrette que l’Europe n’ait pas décidé au lendemain du 24 février 2022 de réduire à 110 km/h la vitesse limite sur autoroute, mesure de sobriété à effet immédiat.

Et oui, il faut renforcer les politiques visant à privilégier la marche, le vélo, les deux et trois-roues à assistance électrique, les transports collectifs, en particulier dans les zones mal desservies, sans oublier l’urbanisme pour rapprocher lieu de vie et de travail. On a déjà fait beaucoup par le passé, avec les villes nouvelles dans les années 1960 et l’essor des transports publics. On peut et on doit faire encore mieux.

Mais cette politique a aussi des limites. Les gens qui vivent en zone suburbaine ou rurale n’ont pas d’autre choix que la voiture. Et si les routes des vacances sont surchargées d’automobiles, les trains sont également bondés ! Si l’on doublait l’offre de transports en commun, cela permettrait au mieux de réduire la voiture de 10 %.

Je veux bien que l’on dise qu’il faut adapter les véhicules aux usages, un vélo électrique ou une voiturette pour les trajets courts, puis le car ou le train. 

Mais le fait est que 80 % des kilomètres parcourus le sont en voiture et que nous sommes pris par l’urgence climatique. Si nous arrivions à faire tomber ce taux à 70 %, sans report sur l’avion, ce serait déjà formidable !

Pourtant, si tous les ménages d’une planète bientôt peuplée de 10 milliards d’individus avaient une voiture électrique, ne buterions-nous pas sur un manque de ressources minières ?

C. P. : Clairement, la réponse est non. Le sujet le plus préoccupant, c’est le cuivre. C’est le métal de la transition énergétique, indispensable pour les éoliennes, les voitures, les réseaux électriques… Compte tenu des besoins et des ressources, c’est le premier qui pourrait venir à manquer.

Il faut donc le regarder de près. Il y a cinquante ans, la teneur moyenne du minerai était de 1,7 %. Les réserves, c’est-à-dire les volumes récupérables aux conditions économiques de l’époque, étaient estimées à 280 millions de tonnes, tandis que les ressources – les gisements identifiés mais chers à exploiter – se montaient à 1,6 milliard de tonnes.

Aujourd’hui, la teneur moyenne des gisements exploités est tombée à près de 0,7 %. On a dit que c’était le début de la fin du cuivre. Or c’est exactement le contraire qui s’est produit, car les progrès des techniques extractives ont totalement changé la donne entre-temps.

Résultat, on exploite des gisements plus pauvres, mais qui sont beaucoup plus vastes et plus nombreux. Alors que l’humanité a déjà extrait plus de deux fois les réserves estimées il y a cinquante ans, celles-ci sont désormais établies à 890 millions de tonnes. Quant aux ressources, elles atteignent 5 milliards de tonnes. Nous avons un problème industriel de rythme d’extraction, pas un problème de ressources physiques.

Quant au lithium utilisé dans les batteries, c’est une plaisanterie à côté du cuivre. La croûte terrestre en recèle certes trois fois moins que le cuivre, mais on en a besoin de mille fois moins. Nous possédons aussi assez de cobalt et de nickel, mais leur exploitation est problématique, notamment en RDC et en Indonésie, et ces métaux sont de plus en plus remplacés. Les batteries lithium-fer-phosphates, c’est déjà 40 % du marché, avant que n’arrivent les batteries au sodium.

Les ressources sont là, soit. Mais ne basculerions-nous pas dans l’horreur extractiviste ?

C. P. : C’est exactement l’inverse. Oui, la transition énergétique, avec l’essor de l’électricité décarbonée et de ses usages, dont la voiture, c’est beaucoup plus d’extraction de métaux. Mais si l’on raisonne en intégrant l’abandon du charbon, du pétrole et du gaz, l’extraction minière totale diminue.

Par ailleurs, la demande de métaux vierges devrait à terme se stabiliser, voire décroître, parce que la population mondiale ne va pas indéfiniment augmenter et que le renouvellement des équipements se fera de plus en plus à partir de métaux recyclés.

En définitive, notre vrai problème de ressources, c’est notre dépendance à la Chine. Il faut avoir le courage en Europe de réduire nos dépendances en exploitant nos gisements et en créant des usines de raffinage des métaux, tout en réduisant au maximum les impacts environnementaux de ces activités.

S’il n’y a pas d’obstacle environnemental dirimant, il reste des sujets économiques, non ? Une électrique, c’est bien plus cher qu’une thermique…

C. P. : Oui, mais pour combien de temps encore ? Au rythme de la chute des prix des batteries, dans deux ans, ce sera de l’histoire ancienne. Aujourd’hui, avec le bonus à l’achat, une Citroën C3 électrique tombe en dessous de 20 000 euros, pas loin de son équivalent thermique qui approche les 18 000 euros.

Et si l’on raisonne en coût total, acheter une électrique neuve est déjà avantageux par rapport à une thermique pour qui peut recharger chez lui, ce qui est souvent possible à la campagne ou en zone périurbaine.

Le problème est plutôt du côté du marché de l’occasion, qui est encore embryonnaire. Mais les achats neufs feront peu à peu les occasions de demain.

Le problème de la recharge reste assez contraignant

C. P. : C’est également contraignant de devoir aller à la pompe, même si l’on y fait son plein en 5 minutes alors qu’il en faut au minimum 30 à une borne dans le meilleur des cas. Rappelons qu’il est possible de recharger son véhicule chez soi durant la nuit ou au bureau durant la journée, ce qui est encore moins cher qu’à une borne.

Par ailleurs, les bornes de recharge seront encore plus rapides demain. On en compte déjà plus de 118 000, elles ne sont pas saturées par les usagers et la couverture du territoire progresse rapidement.

Les Français sont inquiets, ils ont peur qu’en 2035, ils soient contraints de passer à l’électrique…

C. P. : Cette date correspond à l’interdiction de vente de voitures individuelles thermiques neuves décidée par l’Union européenne. Une thermique achetée en 2034 roulera encore une quinzaine d’années. Il y aura après cette date un marché de l’occasion thermique en déclin et un marché de l’occasion électrique en pleine expansion. Des véhicules d’occasion encore capables de rouler 200 000 km, vu la longévité de l’électrique.

Les adversaires de la voiture électrique brandissent également l’argument de l’emploi. Il faut moins d’heures de travail pour produire une voiture électrique que pour une thermique. Et en prime, on favoriserait les importations chinoises…

C. P. : Sur quatre voitures que la Chine exporte, trois sont thermiques. On n’évitera pas la concurrence chinoise en restant au thermique ! Quant aux emplois industriels, le progrès technique a toujours détruit des emplois, dans tous les secteurs, et en a recréé ailleurs.

La question est celle de l’accompagnement de ces transitions et, plus généralement, du partage de la valeur et du temps de travail. A noter aussi qu’avec une interdiction du thermique neuf en 2035, la transition se fera surtout par les départs à la retraite.

Faut-il craindre une remise en cause de l’objectif 2035 par l’industrie automobile européenne ?

C. P. : Les constructeurs classiques sont fragilisés par le fait de devoir multiplier les modèles pour s’adapter à cette période de transition : thermiques, hybrides non rechargeables, hybrides rechargeables, tout électriques. Les « pure players » 100 % électriques, Tesla aux Etats-Unis, Byd en Chine, sont beaucoup plus profitables. D’où les déclarations ambivalentes sur l’objectif 2035 de certains patrons européens, comme Carlos Tavares, le P.-D.G. de Stellantis.

La déclaration début mars de VDA, la principale association de l’industrie automobile allemande, est cependant un élément très encourageant. Elle dément toute volonté de faire machine arrière. Alors que le patronat allemand s’était montré au départ le plus réticent à l’interdiction dès 2035 des ventes de thermiques neuves, il est désormais très ferme. « Insister sur l’ancienne technologie conduit directement à un marché de niche en diminution. Notre industrie automobile ne serait alors plus dans le coup », a-t-il déclaré.

J’espère que l’échéance de 2035 ne sera pas un enjeu des élections européennes. Revenir sur cet objectif serait une énorme erreur et c’est pour le dire à ceux qui, à droite comme à gauche, accusent la voiture électrique de tous les maux et se rejoignent dans le discours de l’inaction climatique, que j’ai écrit ce livre. La voiture électrique n’est pas une « folie », contrairement à ce qu’écrit le climato-sceptique Christian Gerondeau. Elle n’est pas la « dernière arnaque avant l’apocalypse » comme le titre Charlie Hebdo. La voiture électrique est bonne pour le climat et il faut la défendre.

Qui sont pour vous les principaux adversaires de la « watture » ?

C. P. : La voiture électrique essuie un feu croisé de critiques. Elles viennent d’une partie des industriels de l’automobile, d’une partie de la droite, d’une partie de la gauche et des écologistes. Mais l’adversaire le plus redoutable, c’est l’industrie pétrolière. Compagnies et Etats pétroliers ont beaucoup à perdre, puisque le pétrole sert essentiellement à faire rouler les voitures, et ce monde est extrêmement riche et puissant. Il finance une kyrielle de think tanks qui alimentent la désinformation sur les réseaux sociaux.

Exemple, le travail des enfants dans les mines de cobalt. Comme si le travail des enfants se résumait aux mines de cobalt et comme si l’on ne pouvait pas extraire le cobalt sans porter atteinte aux droits de l’homme. Les mines ne sont jamais sans effet sur l’environnement, mais les plus importantes ne sont pas forcément les pires, au contraire. C’est dramatique de voir les discours inventés par les ingénieurs du chaos repris par tant d’écologistes ou de médias qui parlent d’écologie. Sont-ils les idiots utiles du lobby pétrolier ?

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Commentaire rapide

« Un gros 4×4 consommera toujours plus d’énergie et de matériaux qu’une petite auto »

Le problème qui n’est pas soulevé est d’abord celui de l’utilisation importante de la voiture. C’est esquissé un peu dans l’entretien mais c’est le problème fondamental.
Par ailleurs, pourquoi mettre en avant les SUV qui sont une aberration dans ce monde que se voudrait sobre.

« Mais à l’échelle de l’Europe, ce bilan n’excède pas 100 gCO2/km. Il tombe encore plus bas en France où notre électricité est très peu carbonée. »

Très peu carboné ? Oui si on ne considère pas toute la filière pour construire une auto. Mais tout cela se fera obligatoirement en produisant plus d’électricité. On est dans le tout électrique, comme le disait le président de RTE : « il faut électriser l’économie ». Cela a un coût en matière de pollution et aussi dans la modification des paysages.

«  Par ailleurs, la demande de métaux vierges devrait à terme se stabiliser, voire décroître, parce que la population mondiale ne va pas indéfiniment augmenter et que le renouvellement des équipements se fera de plus en plus à partir de métaux recyclés »

C’est un vœu pieu que de penser qu’il y aura recyclage. Il y a trop d’alliages dans les batteries pour que l’on puisse penser récupérer les différents métaux. Cela coûtera moins cher d’exploiter des mines que de recycler ; c’est ce que mettent en avant les constructeurs : le moindre coût.

« Il faut avoir le courage en Europe de réduire nos dépendances en exploitant nos gisements et en créant des usines de raffinage des métaux, tout en réduisant au maximum les impacts environnementaux de ces activités. »

C’est encore un vœu pieux :pour être indépendant des Chinois, on voudrait bien remettre en route les mines pour récupérer le lithium en Bretagne, dans le Massif central et en Alsace. Bien entendu, ce seront des exploitations écologiques, propres – encore un vœu pieux ! Par ailleurs, cela n’empêchera pas cette dépendance vis-à-vis de cette extraction minière – dans des conditions déplorables – en Afrique puisque cette exploitation en France ne représenterait qu’à peine 5% de la demande.

Autre argument tiré du livre de Célia Izoard – La ruée minière au XXIème siècle – : l’Académie des sciences note que « le programme de véhicules français fait appel à des quantités de lithium et de cobalt très élevées qui excèdent en fait et à technologie inchangée les productions mondiales d’aujourd’hui et ce, pour le seul besoin français ».

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Cobalt, l’envers du rêve électrique

Un documentaire qui passe le jeudi 4 avril 20 h au majestic Douai

Indispensable à l’industrie, notamment à la fabrication des batteries qui équipent les véhicules électriques, le cobalt est devenu un minerai hautement stratégique. De la République démocratique du Congo à la Scandinavie, une remarquable enquête sur la face cachée de son extraction. Pour atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050, l’Union européenne a décidé d’interdire à partir de 2035 la vente des véhicules neufs à moteur thermique ou hybride. Un défi pour l’industrie automobile du continent, tenue de développer sa production de voitures et d’utilitaires légers 100 % électriques. Associé au lithium, au nickel et au manganèse, le cobalt assure la stabilité des cellules des batteries et empêche qu’elles n’entrent en combustion. Avec l’accélération de la mobilité électrique, ce sous-produit de l’extraction du cuivre est devenu un minerai hautement stratégique. Ses plus grands gisements mondiaux se trouvent en République démocratique du Congo (RDC), dans les provinces du Lualaba et du Haut-Katanga. Si les investisseurs étrangers, principalement chinois, y contrôlent les trois quarts des sites miniers industriels, 20 % des mines y sont artisanales, principalement autour de la ville de Kolwezi : parfois âgés de moins de 10 ans, des « creuseurs » y risquent leur vie dans des boyaux de fortune pour des rétributions misérables. En quête de souveraineté pour s’affranchir du quasi-monopole de la Chine dans la fourniture de batteries, l’Europe encourage de son côté la multiplication des projets miniers sur son territoire afin d’alimenter les chaînes de production qu’elle compte développer. Batterie de fléaux Pollution à l’acide des sols et des cours d’eau, expropriation de leurs terres des paysans et des éleveurs, travail des enfants, corruption des élites pour l’octroi de permis d’exploitation… : en RDC, la course au cobalt – chaque batterie en nécessite 10 kilos – s’accompagne d’une cohorte de fléaux. En Scandinavie, où les principaux gisements européens ont été identifiés, ce sont les risques environnementaux qui suscitent les craintes des populations locales. Donnant la parole à des industriels de l’automobile et du secteur minier, au vice-président de la Commission européenne Maros Sefcovic, à des ONG et à des activistes engagés dans la défense des droits humains et la protection de l’environnement, cette enquête remarquable pointe la face cachée d’un marché stratégique, dont la demande est promise à une croissance exponentielle pour réaliser le rêve européen de neutralité carbone.