L’Esprit du Capitalisme ; 4ème partie

  1. Première trace sur la piste : LafargeHolcim
  2. Le Capitalisme du désastre
  3. « Messieurs… ce ne sont pas des Américains mais des Orientaux… »
  4. « Big Business avec Hitler »
  5. « De quoi Total est-elle la somme ? »
  6. Le Big Bang Atomique père de l’Apartheid
  7. Epilogue, déjà un mini-führer pour un nouveau cycle

« Big Business avec Hitler »

La collaboration d’une transnationale occidentale avec une entreprise criminelle reconnue comme telle par les dites « grandes démocraties du monde libre » est-elle une exception confirmant la règle ou au contraire la règle avec de rares exceptions ?

Y-a-t-il des antécédents dans l’histoire ? Et sont-ils suffisamment démonstratifs pour écarter les hypothèses de l’exception, de l’égarement ou  l’accident ? La réponse est oui au deux questions.

Une des énigmes du 20e siècle qui mobilisa les sommités universitaires et fit couler beaucoup d’encre savante fut l’ascension au pouvoir en Allemagne d’un groupuscule criminel qui mit à feu et à sang l’Europe entière et organisa à l’échelle industrielle un holocauste. Comment dans ce pays  au centre de la grande civilisation européenne qui donna naissance à d’illustres artistes, grands compositeurs et musiciens et brillants hommes de lettres et poètes, qui éleva la  philosophe jusqu’à un très haut niveau de réflexion et d’abstraction dans tous les domaines :  histoire, politique et esthétique et qui donna au monde les plus grands esprits scientifiques, comment dont dans ce creusé de la très haute culture, un vulgaire politicien de basse extraction a pu mettre à ses ordres toute une nation ? Non seulement la populace ignare, la foule inculte, mais aussi les élites cultivés et les plus brillants scientifiques du temps furent mobilisés et se laissèrent entrainer dans la furie collective.

En fait d’énigme, il n’y en a pas vraiment eu. Elle fut essentiellement savante, construite à posteriori par les sommités des diverses spécialités universitaires pour faire disparaître dans les brumes fumeuses de la recherche les fées qui œuvrèrent à l’ascension de l’enfant prodige du totalitarisme. Bref le mystère fut post-partum, né de l’effacement des traces de collaborations des grandes firmes industrielles et de la haute finance avec le futur Führer. Elles furent en effet nombreuses les grandes entreprises à voir Hitler en homme providentiel du capitalisme, non seulement en Allemagne mais aussi ailleurs en Europe et outre-Atlantique. En post-partum les études universitaires s’efforcèrent de produire une sorte d’immaculée conception à l’avènement de l’irrésistible Führer. Le bagou d’Hitler expliquait tout. Entre autres choses, et recherches savantes, on étudia avec détail la psychologie de masse du fascisme…

Mais l’effort maïeutique du l’historien Jacques R. Pauwells fait accoucher une vérité plus tellurique et permet ainsi de dissiper les brumes universitaires du conte de fée. Dans son livre « Big Business avec Hitler », il nous fait découvrir sans détour la dure réalité matérielle de l’accouchement du nazisme. Comme pour le travail d’Howard Zinn on plonge dans l’horreur glaciale tout en découvrant l’étendue immense de notre ignorance. Là il n’y a pas une seule mais une multitude de puissantes transnationales qui collaborèrent avec une organisation criminelle. Non seulement elles collaborèrent mais aussi la favorisèrent, voire la créèrent. Sans le « Big Business » germanique mais aussi étasunien et international animé unanimement par l’esprit du capitalisme, l’enfant prodige du totalitarisme n’aurait rien pu entreprendre et, en définitive il n’aurait été que le personnage grotesque du dictateur représenté par Charlie Chaplin.

Aux sources de la Blitzkrieg se pressent les transnationales étasuniennes. L’innovation militaire de l’état-major allemand, la nouvelle « guerre éclair » d’Hitler est en effet une œuvre collégiale scientifique et technique, industrielle et transnationale. Jacques R. Pauwells signale à ce propos « l’interpénétration des capitaux  allemands et américains ».

Notre recherche est celle de la réglé ou de l’exception dans la collaboration des transnationales au crime organisé haute intensité comme dans la Seconde Guerre mondiale ou basse intensité comme aujourd’hui avec les régimes dictatoriaux gardiens des mines et puits pétroliers.

Voyons par étape les fées préparatrices de la Blitzkrieg. On sait déjà trop bien que l’argent est le nerf de la guerre. Dès les années 1920 de bonnes fées surent subvenir à l’argent de poche du jeune futur Führer, elles furent bien sûr germaniques, mais pas seulement.  Venus d’outre-Atlantique, de généreux Rois mages croyant en la bonne étoile du jeune prodige firent parvenir des dons somptueux et contribuèrent à son ascension politique. Des grands noms comme Henry Ford et le clan Rockefeller pouponnèrent la phalange germanique en herbe et apportèrent leur pierre pour l’édifice totalitaire.

On sait aussi depuis la Grande Guerre qu’en plus de l’argent il faut du carburant, absolument beaucoup de carburant pour avoir une chance de triompher dans un conflit moderne. L’Allemagne, territoire sans gisement pétrolier, n’en manqua pas. Là aussi de généreux donateur venus d’Amérique s’assurèrent qu’au moment du choc suprême dans sa guerre éclair à l’Est la Wehrmacht ne souffre d’aucune faiblesse ou perte de vitesse par pénurie d’essence. La Standard Oil of New Jersey et Texaco, donc les firmes pétrolières américaines, honorèrent leur livraison mortifère.

Mais pour entreprendre une guerre ultra-moderne – la Blitzkrieg envisagée par Hitler – il faut des technologies à la pointe des sciences et techniques. Et là c’est la ruée générale, toutes les grandes industries étasuniennes ou presque se solidarisèrent avec le chef suprême de la Wehrmacht. En vrac on peut citer, Ford et General Motors pour le matériel roulant et volant, ITT pour les télécommunications, IBM pour l’organisation logistique et rationaliste du crime de masse, Alcoa pour l’aluminium Monsanto, Dow Chemical et Du Pont en coopération technico-commerciale avec IG Farben dans le secteur de la chimie, Pratt &Whitney, US Steel, Singer, Union Carbide, Kodak, Westinghouse, sans oublier Coca-Cola.

Bien évidement cette mobilisation des grandes firmes américaines n’était pas faite pour les beaux yeux du Führer, mais répondait aveuglément à l’esprit du capitalisme, les profits qui pouvait être retiré ce titanesque effort de guerre du 3e Reich. « Au début des années 1930 toutes ces firmes avaient leur tête de pont en Allemagne ».

Devant cet impressionnant raz de marée de bonnes volontés, cette déferlante technologique étasunien au service de l’effort de guerre  du 3e Reich, Jacques Pauwells parle de « Blitzkrieg « Made in USA » ». Parmi les firmes qui avaient des filiales installées en Allemagne comme General Motors et Ford il faut rappeler qu’elles bénéficièrent aussi de la « Loi Travail » particulièrement chiadée du 3e Reich. Et puisque l’on découvre les bonnes grâces du 3e Reich pour la grande industrie automobile, il est important de remettre les choses dans leur ordre historique et rendre à César ce qui est à César… D’abord Henry Ford est le père spirituel d’Hitler, le futur Führer était un admirateur du grand patron américain mais aussi grand penseur, auteur de « The International Jew » « Le Juif International », livre où son esprit très visionnaire identifie la menace du « judéo-bolchévisme » pour « le monde libre ». En suite quand Hitler est devenu Führer c’est au tour du grand constructeur automobile de devenir admirateur du dictateur germanique. Et pour couronner le tout, après la Guerre, la CIA consciente de « ce qui est bon pour l’Amérique » importa  tel quel en Amérique du Sud la Loi Travail du 3e Reich pour le plus grand bénéfice de Ford et de General Motors, comme le rappelait Naomi Klein et comme on le redécouvre aujourd’hui avec des procès instruits contre les constructeurs automobiles étasunien. Quelle drôle d’idée, en effet, que d’aménager des salles de torture dans des usines automobiles. Mais on le sait, « ce qui était bon pour General Motors et Ford (sous le 3e Reich) est bon l’Amérique »

D’autres industries en Europe faisaient de juteuses affaires avec le 3e Reich. La Suède se déclarait « pays neutre », mais comment faire des chars allemands sans le minerai de fer suédois ? En toute logique économique, sa neutralité lui permettait de commercer en toute bonne conscience… avec le crime organisé. Comment faire mouvoir les chars de la Wehrmacht sans les roulements à billes SKF suédois ? Arrêtons là la liste des entreprises collaborationnistes, épargnons la Suisse, autre « pays neutre » mais surtout plaque-tournante du blanchiment de « l’or nazi ».

Aujourd’hui on a le plus grand mal à imaginer que l’élite scientifique américaine et les ingénieurs de multiples firmes étatsuniennes donnèrent le meilleur d’eux-mêmes et mirent au point des systèmes d’armement hautement sophistiqués livrés à la Wehrmacht. Il est vraiment difficile de saisir la monstruosité totalitaire de réalité : des dizaines de millions d’Européens et quelques 400 000 soldats US périrent sous le feu infernal d’une Guerre-éclair d’Hitler « Made in USA ».

Fin de la 4ème partie ; Jean-Marc Sérékian ; Janvier2018