Sécheresse en Nord et Pas-de-Calais ?

Ensoleillement record, températures en hausse, déficit de pluie…

Les voyants commencent à se mettre à l’orange dans le Nord et le Pas-de-Calais, figurant d’ores et déjà parmi les 53 départements français où l’on craint une nouvelle sécheresse cette année.

Ils se sont mis à tournoyer au-dessus de la parcelle de maïs. Ailes noires dans un ciel d’un bleu immaculé. Une escadrille de corbeaux. Oiseaux à la réputation d’être de mauvais augure. Déjà dévastateurs en tout cas : « Les terres sont tellement sèches que les corvidés viennent manger les semis sans difficulté. Ça pose un vrai problème », témoigne Sébastien Delahaye, agriculteur et éleveur à Templeuve, dans la Pévèle.

Un problème qui n’est en vérité qu’un effet collatéral d’un déficit en eau qui commence sérieusement à inquiéter notre homme. Lui et toute la profession. Lui et tous ceux qui ont déjà constaté, dans leur jardin ou leur terrain, une pelouse déjà jaunie.

« L’an dernier, on avait déjà subi la sécheresse, vers le mois de juillet. Mais là ça vient très tôt. On n’est que fin mai. C’est très préoccupant. » relève Sébastien, qui fait vivre avec son père l’exploitation familiale, plus de 200 bovins et 90 hectares de polyculture (blé, betterave, maïs fourrager). « On a fait -20 % dans notre première coupe de fourrages. Si ce temps sec et chaud, accompagné d’un vent qui dessèche, continue, cette année sera très difficile. Il va falloir acheter des fourrages supplémentaires pour nourrir nos bêtes, consommer davantage d’eau. » Et l’éleveur de s’inquiéter pour les rendements, et au-delà pour la fertilité de ses animaux. « L’an dernier, pour nos cultures, il nous a déjà manqué 200 litres d’eau au mètre carré en pluviométrie. Si le scénario se répète, ça va être très dur ».

Les prévisionnistes de MétéoFrance et les analystes du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) ne rassureront personne en la matière. L’hiver a été exceptionnellement doux, le printemps hors norme non seulement en matière d’ensoleillement (le record d’avril 2007 est égalé dans la région), mais encore de températures : en avril ces dernières étaient supérieures de 3º aux normales dans la région, avec par exemple 26º enregistrés à Roubaix le 8 avril, 26,1º à Watten le 12… Il n’a jamais fait aussi chaud aussi tôt dans l’année, relève MétéoFrance. Chaud et sec (lire ci-dessous). Et c’est justement ce que l’on attend aussi pour juin et juillet selon les prévisions saisonnières.

Courons-nous droit vers une nouvelle sécheresse et de nouvelles restrictions à la clé, comme l’an dernier ? Sébastien Delahaye en est convaincu. Le ministère de la Transition écologique a déjà placé 53 départements en risque sécheresse, le Pas-de-Calais à un niveau de risque « probable » et celui du Nord à un niveau « possible ». La prise d’arrêtés sécheresse par les préfets ne semble être qu’une question de jours…

Déficit de pluie, débit des cours d’eau en baisse, nappes en vidange, ces signaux qui alertent…

Dans son bulletin hydrologique mensuel, la Direction régionale de l’environnement de l’aménagement et du logement (DREAL) pointe des signes avant-coureurs d’un épisode de sécheresse.

Déficit de pluie. Les cumuls de précipitations en avril sont d’environ 40 % déficitaires par rapport à la normale, malgré des épisodes orageux avec de violentes averses les 17 et 18 avril. On relève ainsi un cumul de 16mm de pluie à Cambrai-Epinoy (67 % de déficit) ; 27,8 mm à Desvres (contre 66,3 mm par rapport à la normale en avril) ; 25,9 mm à Fourmies (contre 61,2) ; 41,1 mm à Lille (contre 50,7).

Débits des cours d’eau en baisse. En avril, le débit moyen des cours d’eau est en baisse dans les 24 stations de mesure des Hauts-de-France. Baisse vertigineuse dans l’Avesnois, à Etrœungt (Helpe-Mineure) qui passe de 4,94 m3 d’eau par seconde en mars à 0,47 m3/s en avril ; idem en Flandre, à Bambecque, sur l’Yser (5,25 m3/s en mars, 0,23 m3/s en avril).

Nappes déjà entamées. La recharge en eau est bel et bien terminée dès le mois d’avril et la vidange des nappes a débuté pour huit des quinze stations de mesures. Si les niveaux demeurent globalement proches de la moyenne, voire au dessus (Audrehem dans l’Audomarois, Preures et Buire-le-Sec dans le Ternois, Tincques dans l’Artois), la tendance est majoritairement à la baisse dans le Nord et le Pas-de-Calais.

L’article et la vidéo de La Voix du Nord sont ici.