Total, Sanofi…

Tous accros aux aides publiques ?

Total a bel et bien bénéficié d’une aide financière publique à l’occasion du Covid-19

Renoncer à verser des dividendes ? Hors de question pour Total. Alors que de nombreuses voix s’élevaient pour exiger une suspension du versement de dividendes en temps de crise, a fortiori de la part d’entreprises bénéficiant d’aides publiques, le groupe pétrolier a assuré haut et fort qu’il n’était pas concerné.

Mais est-il vrai que Total ne bénéficie d’aucun soutien des pouvoirs publics ? À y regarder de plus près, pas vraiment. Nos partenaires d’Observatori del Deute en la Globalització (ODG), se sont penchés sur les achats d’obligations d’entreprise de la Banque centrale européenne (BCE), considérablement augmentés au nom de la crise sanitaire. Ils ont constaté que Total en a bénéficié à quatre reprises (de même que d’autres groupes du CAC40 qui ont maintenu leurs dividendes comme Sanofi, Air Liquide et Schneider Electric).

Leur analyse complète est à lire sur notre site : En pleine épidémie, un soutien accru des institutions européennes aux grandes entreprises polluantes.

L’achat d’obligations par la BCE est bien une aide publique, puisqu’elle permet à ces entreprises de renforcer leur trésorerie en temps de crise, mais constitue aussi une forme de garantie implicite auprès des autres investisseurs. Mais contrairement aux aides accordées à Renault et Air France, elle permet aux groupes concernés de maintenir les apparences, et il n’est même pas question d’y assortir des conditions. La BCE ne se fixe aucun critère climatique, environnemental ou social, et les décisions sont prises sans transparence ni obligation de rendre des comptes.

Toutes les explications dans cet article : Crise du Covid-19 : l’aide financière publique cachée à Total, Sanofi et consorts.

Labos pharmaceutiques : une soif insatiable d’argent public

Le patron de Sanofi Paul Hudson a créé la controverse en laissant entendre que le groupe livrerait en priorité ses futurs vaccins contre le Covid-19 (pour le moment totalement hypothétiques) aux États-Unis, parce que ce pays est « plus efficace » – autrement dit, il donne plus d’argent. Dès la mi mars, le groupe pharmaceutique avait repris à son compte de manière très opportuniste le mot d’ordre de la « souveraineté économique » pour vendre son projet (datant d’avant la pandémie) de filialisation et de relocalisation partielle en Europe de sa production de principes actifs, auquel il souhaite que l’État français apporte des capitaux.

Dans nos « Pharma Papers », nous montrons à quel point tout le secteur pharmaceutique est gavé d’argent public, à toutes les étapes de la chaîne, depuis l’aide à la recherche jusqu’aux remboursements de la sécurité sociale. Ceci pour générer des profits immédiatement transformés en dividendes et rachats d’actions. Visiblement, ce n’est pas encore assez.

Alors que les appels à financements européens pour l’industrie pharmaceutique se multiplient sous prétexte de Covid-19, un nouveau rapport de Corporate Europe Observatory et d’Action Santé Mondiale jette un œil critique sur deux programmes passés, intitulés respectivement Initiative pour les médicaments innovants (IMI) et Entreprises Bio-Basées (BBI), et représentant au total 3,6 milliards d’euros d’argent public. Il montre que ces deux programmes « public-privé » ont surtout contribué à marginaliser les objectifs sanitaires et sociétaux insuffisamment rentables – y compris la préparation aux épidémies – par rapport aux objectifs financiers et politiques des industriels. Un résumé en français est disponible ici, et la version intégrale en anglais .

Y a-t-il une alternative à donner toujours plus d’argent aux labos ? Heureusement oui. Nous en abordons quelques unes ici, et voir aussi .

Corona-profiteurs, épisode 2071 : le « monde d’après » selon l’arbitrage international

« Ne jamais laisser se gâcher une bonne crise. » S’il est un secteur à qui cette maxime tient à cœur, c’est bien celui de l’arbitrage international sur l’investissement, dont le public a fait connaissance à l’occasion de la controverse sur le TAFTA : ces tribunaux privés opaques qui permettent à des investisseurs et des multinationales de poursuivre des gouvernements pour des mesures sociales, fiscales ou environnementales qui nuiraient à leur taux de profit.

Comme ils l’avaient fait après la crise de 2008, et auparavant celle qui avait frappé l’Argentine en 2001-2002, les cabinets d’avocats d’affaires spécialisés dans ce créneau très lucratif sont en train de préparer une nouvelle vague de procédures de la part d’acteurs privés « lésés » par les politiques anti-pandémie.

Confinement, réquisitions d’hôpitaux et de matériel, mesures spéciales de soutien aux entreprises et aux ménages, suspension des factures et des loyers… Autant de raisons potentielles de réclamer de copieuses compensations financières aux gouvernements. Les ONG Transnational Institute et Corporate Europe Observatory ont exploré la littérature que font circuler ces cabinets pour appâter de futurs clients (à lire en anglais). (NB. Pour autant que l’on puisse le savoir, aucune procédure n’a encore été officiellement lancée.)

On peut en lire une présentation sur le site de Basta !, et on en profitera pour relire à cette occasion l’édifiant grand format de Frank Mulder, Eva Schram and Adriana Homolova : Les hommes derrières l’ISDS et leur vision du monde.

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En bref

* Milliardaires et médias. Après Vincent Bolloré, c’est au tour d’un autre milliardaire, Bernard Arnault, de venir au secours d’Arnaud Lagardère. Alors que le premier avait monté au capital du groupe Lagardère en pleine dérive pour l’aider à se défaire des menaces d’un investisseur activiste anglo-saxon, le second a investi directement dans la holding familiale Lagardère, ce qui suggère qu’il s’agit aussi d’un moyen de contrecarrer l’influence excessive du milliardaire breton, selon Le Monde. On pourrait voir dans ces péripéties une illustration de l’esprit de caste des grands capitalistes français. Elles représentent surtout une étape supplémentaire de concentration dans le monde de l’édition (puisque Vivendi et Lagardère contrôlent les deux plus gros groupes français, Hachette et Editis) et dans celui des médias, puisque nos milliardaires contrôlent à eux trois le groupe Canal+ (pour Bolloré), Le Journal du dimanche, Europe 1 et Paris Match (pour Arnaud Lagardère), Le Parisien et Les Échos (pour Bernard Arnault).

* Corona-profiteurs, épisode 2072 : General Electric. Le groupe américain poursuit sa course en tête pour le titre d’entreprise la plus détestée de France. Après avoir convaincu les dirigeants d’Alstom de leur vendre leurs activités dans l’énergie, après avoir piétiné les promesses de maintien de l’emploi qu’ils avaient faites à cette occasion, General Electric a à nouveau fait des siennes à l’occasion de la crise du coronavirus. Il a adressé fin mars à ses sous-traitants une lettre leur demandant de baisser unilatéralement leurs prix de 20%, faute de quoi ils ne seraient plus considérés comme des « partenaires ». Et à l’encontre d’engagements pris en octobre dernier pour faire accepter un plan de départ volontaire à Belfort, GE a aussi annoncé – sous prétexte des « retards » occasionnés par le confinement – la délocalisation d’activités clé de Belfort vers l’Arabie saoudite et les États-Unis. Martine Orange revient en détail sur cette affaire pour Mediapart.

* Et l’on reparle de l’EPR… et de ses retards. Le chantier de l’EPR de Flamanville reprend lentement avec la fin du confinement, et avec la reprise d’activité arrivent aussi… les mauvaises nouvelles. Une fuite a été constatée sur le réacteur Olkiluoto-3 en Finlande, qui devait finalement entrer au service au mois de novembre, 10 ans après la date prévue. En France, les associations anti-nucléaire attaquent en justice la prorogation de l’autorisation du nouveau réacteur de Flamanville, effectuée en catimini pendant le confinement alors que la question des soudures défectueuses est encore en suspens. La date de mise en service, annoncée initialement pour 2012, est désormais prévue en 2024, avec un quasi quadruplement du budget à 12 milliards d’euros.

* Une entreprise du groupe Mulliez fait parler d’elle au Myanmar. Les associations Sherpa, InfoBirmanie et Reporters sans frontières interpellent l’entreprise Voltalia, propriété à 70% de la famille Mulliez, propriétaire d’Auchan, pour ses liens commerciaux avec une firme liée aux militaires birmans. Active dans le secteur de l’électricité, Voltalia fournit ses services à l’opérateur téléphonique MyTel, qui figure sur une liste noire établie par l’ONU d’entreprises birmanes ayant contribué aux atrocités dans le pays, notamment contre la minorité Rohingya. Le 23 mars, MyTel a également collaboré avec le gouvernement pour bloquer 221 sites web critiques du régime, dont plusieurs médias indépendants.

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