Affaire du Lévothyrox

Après une expertise judiciaire, les autorités sanitaires doivent rendre des comptes

En mars 2017, le laboratoire Merck a changé la formulation du Levothyrox, médicament utilisé pour la thyroïde, provoquant ainsi une multitude d’effets secondaires. À l’époque, Agnès Buzyn et les autorités de santé n’ont reconnu aucun problème quant aux méthodes douteuses employées pour faire valider la nouvelle formule, et minimisé ses nombreuses conséquences indésirables. En juin 2021, suite à une expertise judiciaire rendue publique, Merck et l’Agence du médicament doivent rendre des comptes.

Les démentis publics des autorités sanitaires et du principal intéressé

Mars 2017 : le laboratoire change la formulation du Levothyrox, médicament, avec des méthodes douteuses, provoquant une multitude d’effets secondaires. « Atteints de douloureux effets secondaires – maux de tête, diarrhées, vertiges – ils seraient 9.000 à mal supporter la composition, selon la ministre de la Santé Agnès Buzyn », lit-on dans RTL.
Septembre 2017 : « Beaucoup de ces effets secondaires sont liés à des difficultés à doser le Levothyrox », et « il n’y a pas de scandale », selon Agnès Buzyn, ministre de la Santé à l’époque.  « Il se passe une procédure normale qui est que l’Agence du médicament demande l’amélioration d’un produit qui n’est pas très stable, donc ça part d’une volonté d’améliorer un produit », peut-on lire dans des articles de RTL. Mme Buzyn poursuit dans Libération : « C’est une crise liée à un défaut d’information et à un défaut d’accompagnement, qu’il faut entendre. La nouvelle formule est même beaucoup plus stable que la précédente. ». Propos surenchéris par le directeur de l’ANSM de l’époque, Dominique Martin, alors assis au banc des accusés lors du procès du Mediator : « Beaucoup d’informations ont été délivrées aux professionnels de santé. Et pourtant, cela n’a pas fonctionné. L’information n’est pas arrivée aux patients. Cela a généré une inquiétude légitime. C’est une faillite de notre système d’information car les conditions du dialogue entre le patient et son médecin n’ont pas été retrouvées. »

Des plaignants déboutés qui ne lâchent pas l’affaire
Cela n’arrêtera ni les victimes de faire appel à la justice ou de lancer des pétitions, ni certains journaux comme Libération de se poser des questions et d’accuser notre pays d’être incapable de « gérer correctement la vie d’un médicament ». Ces victimes ont été 4113 à porter plainte et à demander une indemnisation à hauteur de 10 000€ chacun. Mais le 5 mars 2021, « le tribunal d’instance de Lyon, où le groupe pharmaceutique allemand a son siège français, a écarté toute faute de Merck dans le lancement de son nouveau produit ». Si environ 800 plaignants ont décidé de ne pas aller en appel, car « ils n’ont plus confiance dans la justice comme ils n’ont plus confiance dans le système de santé », selon leurs avocats, 3329 personnes ont gardé le flambeau de la justice allumé. Peut-être ont-ils eu raison de persévérer.


Un retour de bâton pour des propos mensongers

Juin 2021 : les langues et informations se délient dans Libération qui parle d’« incroyable légèreté du fabricant et des autorités ». « Une expertise judiciaire, rendue publique ces jours-ci, met en cause Merck et l’Agence du médicament lors de l’arrivée en 2017 de la nouvelle formule de ce médicament pour la thyroïde utilisé par plus de 3 millions de personnes en France. » Le laboratoire Merck déclarait pourtant en 2017 « que la nouvelle formule était absolument substituable à l’ancienne. Et qu’en plus si la firme avait opéré ce changement, c’était à la demande des autorités sanitaires pour que le nouveau médicament soit encore plus stable. Des propos qui se révèlent inexacts, mensongers même, comme le détaille le rapport d’une expertise judiciaire, rendue publique ce week-end, demandée par le juge d’instruction après les plaintes de plusieurs milliers de patients, victimes d’effets secondaires liés à cette nouvelle formule. »

Une validation officielle à l’emporte-pièce

« “Cette nouvelle formule n’a jamais été auparavant testée sur le moindre malade, alors que l’on sait que pour la thyroïde la question du dosage est importante et délicate. Cette légèreté est incroyable.(…) “Au final, c’est un exemple caricatural de ces liens confus entre les Big pharma et les autorités sanitaires”, conclut pour sa part le Dr Philippe Sopena. “L’Agence n’a pas joué son rôle. La ministre a soutenu l’Agence, et au final ce sont les malades qui trinquent. Quant aux grands médecins qui ont dit que tout cela n’était dû qu’à un effet nocebo, ils feraient bien de reconnaître leurs erreurs.” (…) Avec les nouveaux excipients, le rapport nous montre bien des interactions multiples, et les impuretés qu’elles produisent n’ont même pas été explorées. Les experts notent que Merck n’a même pas tenu compte de certains résultats discordants entre l’ancienne formule et la nouvelle formule. (…) Les experts montrent que l’ANSM a fermé les yeux sur ces manquements. Pourquoi ? On espère que l’enquête pénale le montrera. La prudence a minima de la part d’une Agence dite de sécurité sanitaire aurait voulu qu’elle fasse valider par ses laboratoires l’absence d’impact de ces modifications. Et non. Et que s’est-il passé ? L’ANSM n’a cessé de vanter la meilleure qualité et la plus grande stabilité de la nouvelle formule.” »

Des mécanismes redondants qu’on n’accepte qu’au passé ?

Le Levothyrox n’est pas le seul médicament ayant mis en lumière des dysfonctionnements déontologiques, éthiques, ou juridiques. Nous pouvons citer l’affaire du Mediator du groupe Servier, ou le laboratoire Pfizer, actuellement producteur principal aux côtés de BioNTech d’un vaccin à ARN messager contre la COVID-19, déjà accusé entre autres d’avoir utilisé des cobayes, ou condamné à payer des milliards de dollars pour pratiques commerciales frauduleuses.

Alors pourquoi est-il aussi épineux de se questionner sur les méthodes sanitaires actuelles ? Pourquoi les malversations passées sont-elles aussi rapidement mises sous le tapis, et examinées, parfois  acceptées, des années après, pour être ensuite rapidement oubliées ? Quant à Agnès Buzyn, sera-t-elle inquiétée pendant ses fonctions actuelles à l’OMS pour ses propos tenus au sujet du Levothyrox ? Elle qui a pour mission selon Le Monde de « représenter cette institution dépendant des Nations unies auprès du G7, de l’Union européenne ou encore de la Fondation Bill et Melinda Gates » ? Et pour priorité  de « promouvoir la santé au plus haut niveau, de mobiliser les dirigeants politiques, de renforcer la participation de l’OMS au sein des forums multilatérales et de coordonner, en interne, les efforts de l’Organisation en matière de diplomatie sanitaire » ?
A-t-on le droit de douter dès maintenant du bon fonctionnement des laboratoires pharmaceutiques producteurs de vaccins actuels contre la COVID-19 ?  De se demander si les études cliniques et validations en cours sont sérieuses ? Si certaines personnes en place au gouvernement ou au sein des agences de sécurité sanitaire sont malhonnêtes ? D’enquêter et de faire correctement notre travail de journalistes, sans être taxé d’être « complotistes » ?

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