Les plus riches sont aussi les plus gros pollueurs

Trois graphiques le prouvent

L’utilisation de très polluants jets privés par la partie la plus aisée de la population met, en cet été 2022, l’accent sur les inégalités constatées en matière de lutte contre le réchauffement climatique. Et sur le fait que, bien souvent, richesse rime avec pollution.

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Voilà plusieurs années, sinon plusieurs décennies, que la question climatique a rejoint la question sociale.

D’abord parce que, comme la crise des Gilets jaunes l’a prouvé, la lutte contre le réchauffement climatique peut parfois conduire à imposer des mesures qui touchent très fortement les moins aisés. Mais aussi parce que, de l’autre côté du spectre, les personnes et populations les plus aisées sont aussi celles qui polluent le plus.

1 – Des milliardaires largement plus polluants que le reste de la population

L’exemple le plus marquant, le plus symbolique aussi, est bien sûr celui qui a trait aux milliardaires et aux très très riches en général, dont les émissions sont spectaculairement plus élevées que celles du reste de la population.

C’est notamment ce que montre ce graphique, réalisé avec les données compilées par Lucas Chancel, un économiste de la Paris School of Economics proche de Thomas Piketty.

Ainsi, selon les calculs de Lucas Chancel, une personne appartenant aux 0,01 % les plus riches de la population mondiale – environ 771 000 personnes –, émettait en moyenne 2 332 tonnes d’équivalents CO2 en 2019, quand une personne appartenant à la moitié la plus pauvre de l’humanité n’en a émis que 1,4. La moyenne mondiale s’établit, elle, à 6 tonnes.

Une étude de moindre ampleur publiée en février 2021 dans The Conversation allait dans le même sens en indiquant que les émissions de gaz à effet de serre d’un panel de 20 milliardaires avaient atteint en moyenne 8 190 tonnes d’équivalents CO2 en 2018.

Enfin, au début de l’année 2022, une autre étude, menée par Oxfam et Greenpeace, s’est penchée sur les émissions liées au patrimoine financier des milliardaires français (qui regroupe notamment les parts qu’ils détiennent dans leurs entreprises et dont ils tirent leur richesse). Il en ressort que, cumulés, les patrimoines financiers de 63 milliardaires français sont responsables d’autant d’émissions que la moitié la moins bien dotée des Français.

2 – Pollution et richesse sont liées, même chez les classes moyennes

Ce constat, il est vrai un peu manichéen, a toutefois le mérite d’illustrer le fait que niveau de revenu et émissions de gaz à effet de serre sont intimement liés, et ce quel que soit le niveau de vie des personnes concernées.

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Le graphique ci-dessous, issu d’une étude de l’Office français des conjonctures économiques (OFCE), montre par exemple que, plus un ménage se situe haut sur l’échelle des revenus, plus ses émissions de gaz à effet de serre sont importantes.

En effet, un ménage appartenant au 1er décile (qui regroupe les 10 % des ménages les plus pauvres) émet 15,2 tonnes de CO2 par an, contre 21,9 tonnes pour un ménage du 5e décile ou 40,4 tonnes pour un ménage du 10e décile (les 10 % les plus riches).

Toutefois, si ces moyennes collectives sont éloquentes, elles ne doivent pas faire oublier qu’à l’intérieur de chaque groupe, les comportements individuels peuvent parfois varier. « Il existe une forte hétérogénéité au sein même des déciles de niveau de vie », confirme l’OFCE.

À la marge, certaines personnes appartenant aux classes les plus pauvres peuvent donc émettre davantage de gaz à effet de serre qu’une personne aisée, ce qui peut entre autres s’expliquer par un recours accru aux énergies fossiles pour les déplacements et le chauffage, ou à des équipements défaillants.

3 – Les pays riches en moyenne plus polluants que les pays en développement ou émergents

Si, d’un point de vue individuel, richesse et pollution sont liées, c’est également le cas d’un point de vue plus collectif.

L’histogramme ci-dessous, tiré de la base de données de la Banque Mondiale, montre ainsi que les habitants des pays considérés comme riches émettent en moyenne davantage de CO2 que ceux des pays émergents ou des pays pauvres.

Dans les pays à hauts revenus (États-Unis, Union européenne, Japon, Arabie saoudite, Australie, etc.), un habitant émet ainsi en moyenne 9,8 tonnes de CO2 par an, tandis que dans les pays à revenu intermédiaire (Brésil, Chine, Inde, Indonésie, Pakistan, etc.) n’en émet que 3,8. Les habitants des pays les plus pauvres (notamment ceux d’Afrique subsaharienne) ne rejettent eux que 0,3 tonne de CO2 dans l’atmosphère par an.

À l’instar de ce qui est observé pour les ménages, chaque groupe ne réunit pas des situations totalement identiques. Ainsi, dans le groupe des pays à revenu intermédiaire, la Chine émet beaucoup plus de CO2 (7,6 tonnes par habitant) que le Mexique (3,5 tonnes) ou même que la Bosnie-Herzégovine (6,4 tonnes).

Néanmoins, malgré l’image d’Épinal d’une Chine tournant majoritairement au charbon, les émissions de celle-ci, rapportées à son colossal nombre d’habitants, restent moins élevées que la plupart des pays développés. Ainsi, même si les émissions de la France sont moins importantes (6,4 tonnes), celles des États-Unis (14,7 tonnes), du Canada (15,4), de la Corée du Sud (11,8) ou du Japon (8,5) le sont parfois beaucoup plus.

ouest-france.fr