Benalla résume Macron

Macron est le nom d’une entreprise collective. Benalla l’exprime toute entière.

Car les plus hautes fonctions d’Etat sont désormais colonisées par une « jeune garde » que rien n’arrête et qui casse. Qui sont-ils ? Que font-ils ? Qu’a fait Benalla ?

Ils sont, à l’Elysée, A. Kohler, qui gérait les finances de MSC Croisière ; I. Emélien, venu d’Havas ; J. Nussbaumer, stratège chez l’Oréal ; A. Zajdenweber, venu des conseils d’administration d’Areva et d’Eramet ; C.-H. Weymuller, venu de la Banque d’affaires Morgan Stanley ; E. Miquel, capital-risqueur du fond financier Adrian ; A. Bourolleau, venu des cépages Rothschild ; C. Ferrazzi un temps, venue du Boston Consulting Group ; F. Aubert, venu de Nexity Immobilier ; Cedric O., venu de Safran.

Faut-il poursuivre ?

Ils sont l’Elysée. Ils sont jeunes, arrivés au top en brûlant les étapes, d’une certitude d’eux-mêmes ébouriffée, que toute leur « réussite » renforce. Ils se croient tout permis, les audaces, les mépris, la casse. N’ont-ils pas tué l’ancien monde en portant un gamin à l’Elysée, un gamin jamais élu avant eux, sauf par les associés-gérant d’une banque ? N’ont-ils pas cassé la baraque, en raflant les législatives, pour saturer l’Assemblée de députés dociles, voués et dévoués à l’amour du chef de leur entreprise ? N’ont-ils pas cassé les hiérarchies d’hier, dans l’Etat et les partis ?

Que font-ils ? Ils mentent comme mentent les patrons qu’ils furent, ils cognent comme des patrons cognent, ils passent en force car toute leur vie et leurs relations assurent ces jeunes princes de leur impunité. Ils ont cassé le code du travail et rendus les patrons voyous de plein droit ; cassé l’impôt progressif ; cassée l’égalité d’accès à l’université ; cassées les libertés publiques en institutionnalisant l’état d’urgence ; cassé l’encadrement des loyers, etc.. Ils veulent casser l’assurance-chômage, les retraites, les emplois publics, le statut de la fonction publique, les droits parlementaires, etc.. Ils cassent plus que Sarkozy, plus vite.

Qu’a fait Benalla ? Pareil. Les copiant, dans son domaine. Il a cassé les hiérarchies de la préfecture de police, cassé le droit d’entrée à l’Assemblée, contourné le service public de protection du Président ; il était la tête de pont pour l’externaliser vers le privé. Comme tous les sabras arrivés du privé qui peuplent l’Elysée, s’imaginant sans entraves, libéré de tout, puisque tout lui réussissait. Jusqu’à aller physiquement casser des opposants. Jusqu’à soustraire le coffre-fort de son appartement aux policiers qui perquisitionnaient. Secret des affaires ! Mais après tout ses modèles à l’Elysée ne cassent-ils pas l’opposition parlementaire ? I. Emélien ne casse-t-il pas les circuits de la préfecture de police, en réquisitionnant les vidéos de Benalla ?

Benalla la joua petite frappe. Que fait Macron, enjoignant l’opposition de « venir le chercher » ? Assuré qu’elle ne le peut pas. Que fait la présidente de la commission des lois, empêchant d’enquêter la commission d’enquête ?

Benalla est maintenant cornaqué, relooké, par l’armada des communicants qui vendent la politique Macron. Les manifestants victimes de ses coups en devinrent presque coupables. Comme les chômeurs sont coupables de leur chômage. Comme les salariés sont coupables d’être fainéants. Comme sont coupables les assurés sociaux qui selon Macron reçoivent « trop de pognon » et sont « déresponsabilisés ». Comme sont coupables, sous Macron, les migrants, les syndicalistes criminalisés, les manifestants.

Par Willy Pelletier, L’Humanité, 12 septembre 2018