Formater les cerveaux

Dans le but de constituer une armée en guerre contre l’impôt

Qu’est-ce que les Big Four ?

Le formatage des cerveaux et leur mise en réseau, c’est le plus grand succès des organisateurs de l’évasion fiscale : les Big Four (1). Passé sous silence, il constitue une des clés majeures de leur phénoménale puissance.

Luxleaks, novembre 2014 : deux lanceurs d’alerte déclenchent un scandale planétaire qui, malheureusement, ne va en rien changer l’insolente croissance des organisateurs de l’évasion fiscale  partout dans le monde. Entre autres questions non posées, l’une d’elles mérite une attention particulière tant elle suscite l’incompréhension: pourquoi deux lanceurs d’alerte seulement parmi  plus d’un million de personnes employées par les Big Four et une communauté de quatre millions de personnes (répartie dans 180 pays) travaillant ou ayant travaillé pour les Big Four ? La réponse est redoutable, voire terrifiante : les Big Four formatent les esprits aux principes économiques néolibéraux et une fois qu’ils les ont formatés, ils les dispersent partout dans le monde chez leurs clients, en prenant soin de les organiser en réseaux très actifs.

 

Un formatage de masse. Un extraordinaire maillage des plus grandes entreprises.

Troisième plus grande entreprise du monde en termes d’effectifs, les Big Four sont très vraisemblablement la première en matière de recrutements. Chaque année et depuis bien longtemps, ils recrutent des dizaines de milliers de personnes et se situent actuellement  sur une base de 260.000 recrutements l’an. Leur vivier est constitué d’étudiants diplômés Bac + 5 minimum issus des meilleures Universités (option finance, comptabilité, sciences économiques…) et Ecoles de Commerce, mais aussi d’Ecoles d’ingénieurs. Il leur faut en effet faire face d’une part à un taux de croissance digne de l’économie chinoise qui nécessite une augmentation des effectifs de 7% en moyenne sur les 5 dernières années (2014 à 2018), et d’autre part à la structure pyramidale de leur organisation. La croissance a certes pour conséquence d’élargir la base de la pyramide, mais au bout de 3 ans en moyenne et après avoir franchi quelques grades, il est de bon aloi de ne pas compliquer la vie de son employeur et de partir spontanément ailleurs s’il apparaît  que ce dernier considère que la résistance de l’employé à l’impitoyable compétition interne a montré des limites ou si l’employé lui-même a choisi de s’en abstraire, considérant notamment que son expérience acquise chez les Big Four constitue un excellent passeport pour un autre employeur. Ce système « up or out » entraîne près de 200.000 départs l’an à l’heure actuelle.

Où vont ceux qui partent ? Dans la très grande majorité des cas, chez les clients des Big Four, pour des fonctions de cadre supérieur en général.  Chaque année, une promotion de 200.000 personnes « brevetée Big Four » formée pendant trois ans (niveau Bac + 8 minimum, donc) va ainsi pouvoir infiltrer  les plus grandes entreprises, dans le monde entier.

Note

(1) Big Four : Deloitte, PwC, EY, KPMG.

https://pour.press/formater-les-cerveaux-dune-armee-en-guerre-contre-limpot/