Les droits humains selon Amnesty International

Ils doivent être au coeur de la réponse à la pandémie

10 mai 2021, jour 55 de l’an de disgrâce 02

Tant pour faire face à l’urgence sanitaire que pour atténuer les répercussions de la crise, les gouvernements doivent placer les droits humains au centre de leurs préoccupations.

Les autorités ne cessent de rappeler que le confinement (généralisé ou partiel) et les gestes barrières sanitaires ont pour but de protéger le droit à la vie de chacun d’entre nous. Or qu’en est-il des personnes entassées dans des bidonvilles, des personnes sans logement, sans travail, sans eau courante, et de toutes celles et tous ceux dont la situation est devenue précaire… ? Est-il tolérable que presque la moitié de l’humanité soit privée, à des degrés divers, de la satisfaction de ses besoins essentiels (alimentation, eau, santé, logement adéquat, travail décent, éducation, …) ?

Les mesures sanitaires et économiques décidées par la quasi-totalité des gouvernements ont démontré l’importance du respect et de la mise en oeuvre effective de tous les droits humains, tout en mettant en lumière de nombreuses violations de ces mêmes droits (restriction des circulations et des regroupements). Ces décisions exceptionnelles impactent l’effectivité et la jouissance de bien des droits civils, politiques, économiques, sociaux ou culturels. Les réponses de certains États à cette pandémie ont représenté un ensemble de nouvelles difficultés, voire de menaces et de violations pour le respect des droits humains :

// l’état d’urgence sanitaire met les soignants en souffrance (ex : Égypte, …) ;

// les réglementations du travail sont bousculées (ex : Inde, …) et le droit syndical contesté (ex : Amazon, …) ;

// la vulnérabilité sociale et professionnelle des travailleurs dits « de première ligne » est aggravée, en particulier pour le personnel de nettoyage (ex : Malaisie, Cambodge, …) ;

// les mobilisations sont difficiles et les lanceurs d’alerte de plus en plus en danger.

Dans les pays où les autorités sapaient les droits humains bien avant la pandémie, la crise a donc fourni un nouveau prétexte, une aubaine, pour continuer de violer ces droits, limiter l’espace civique et attaquer les femmes et les hommes défenseurs des droits humains et les opposants. Or la violation d’un seul droit humain remet en cause la jouissance de tous les autres.

En avril 2020, Amnesty International a exhorté les États à veiller à inclure les hommes et femmes défenseurs dans leur gestion de la crise, car ces personnes jouent un rôle majeur pour garantir que les mesures appliquées respectent les droits humains et ne laissent personne de côté. Elle les a également appelés à ne pas utiliser les restrictions liées à la pandémie comme prétextes pour réduire au silence et réprimer.

Les États doivent admettre que sans les personnes et groupes qui luttent pour les droits humains dans le monde entier, il sera quasiment impossible de faire face à la COVID-19 et de s’en relever. Il ne s’agit donc pas seulement d’une obligation pour les États, il est aussi dans leur intérêt et celui de la société de reconnaître et protéger les hommes et femmes défenseurs des droits humains, et de leur permettre de mener leur travail crucial afin de limiter les conséquences les plus pénibles de la crise et veiller à ce que les plus vulnérables ne soient pas laissés de côté.

L’épidémie de COVID-19, une aubaine pour violer les droits des travailleurs et travailleuses partout dans le monde

Un peu partout dans le monde, la pandémie a été et reste encore le prétexte d’atteintes sans précédent contre les droits des travailleurs, aidées en cela par les mesures d’urgence sanitaire adoptées par les États restreignant de manière disproportionnée les libertés.

Invoquant des baisses de commandes, certaines entreprises en profitent pour mener des attaques se traduisant par la diminution des salaires, comme en Croatie où le montant moyen des salaires a baissé de 10%, le non-respect des conventions collectives, les licenciements alors même que ces entreprises continuent à engranger d’importants bénéfices.

Ainsi FedEx-TNT annonce 6 300 licenciements de livreurs et ouvriers logisticiens dans toute l’Europe. Au Bangladesh, le gouvernement a fermé les filatures gérées par l’État et licencié 25 000 salariés.

Dans de nombreux pays, les travailleurs en contact avec le public ou la clientèle, mais aussi ceux des entrepôts de logistique, se sont vu refuser les formations à la prévention des risques, la dotation en masques et en tests.

Les lieux de travail n’étaient pas nettoyés, même quand des infections avaient eu lieu. Un rapport d’Amnesty de juillet 2020 indiquait des négligences dans plusieurs pays dont la Malaisie, le Mexique, les États-Unis où les travailleurs qui demandaient des conditions de travail plus sûres ont été renvoyés. Ainsi est-ce le cas dans de nombreux entrepôts d’Amazon, entreprise qui a pourtant été l’une des grandes gagnantes de la crise.

Encore maintenant, des aides-soignants, brancardiers, ambulanciers ne sont souvent pas considérés comme personnels soignants et n’ont droit à aucune protection, ni vaccin. Non seulement de nombreux médecins, infirmiers ont payé un lourd tribut à la maladie -un décès de la COVID-19 toutes les 30 minutes en 2020 selon un communiqué de presse d’Amnesty International-, doivent travailler sans masque, sans test PCR, ni vaccin, mais ils sont, de plus, victimes de harcèlement judiciaire et d’arrestation quand ils dénoncent les morts de la COVID-19, l’absence de moyens de protection, contredisant ainsi les discours officiels. C’est le cas en Égypte, au Baloutchistan, province du Pakistan, et en Russie où Anastasia Vassillieva, médecin à la tête du syndicat de professionnels de la santé a été violemment arrêtée et mise en garde à vue.

Ces violations des droits des travailleurs et des travailleuses sont facilitées par les attaques contre les droits syndicaux : en Israël, la société 10bis empêche ses livreurs de se syndiquer, limite le droit de grève, refuse les négociations, intimide les militants et dirigeants syndicaux, voire les licencie. L’entreprise de textile Kamcaine Manufacturing au Myanmar a licencié sans aucune indemnité 57 travailleurs membres du syndicat IWFM, dont 7 dirigeants syndicaux. En Inde, le parlement a remis en cause les protections sociales des travailleurs, le droit de grève et la possibilité de négociations collectives.

Sous l’allégation de diffusion de fausses nouvelles, voire de provocation de conflits et trouble à l’ordre public, des journalistes qui font leur travail d’information sur la pandémie sont victimes de harcèlement, voire de violences physiques et de gardes à vue injustifiées, quand ce ne sont pas des disparitions, emprisonnements et tortures, comme ce fut le cas en Chine pour Chen Qiushi, avocat et journaliste, et pour Zhang Zhan, journaliste disparue en mai à Wuhan, et nourrie contre son gré après avoir commencé une grève de la faim au centre de détention en septembre.

Pour savoir plus sur les thèmes suivants :

  • Lancer l’alerte en période de pandémie, une activité essentielle mais à hauts risques
  • Liberté syndicale pour les travailleurs d’Amazon !
  • Pandémie et atteintes aux droits économiques, sociaux et culturels
  • Le personnel soignant et la pandémie
  • Recherche sur les travailleurs et travailleuses précaires en Europe
  • Rapport 2020 de la CSI (Confédération Syndicale Internationale) sur les violations des droits syndicaux

Lire le document d’AI :

chronique_syndicale2021

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Mettez fin à la criminalisation des manifestants pacifiques

 Monsieur le Président,

Depuis novembre 2018 en France, des millions de personnes sont descendues dans la rue pour manifester pacifiquement contre la montée des inégalités sociales et économiques, pour les droits des femmes, le climat ou encore contre la réforme du système de retraite et les violences policières.

Face à l’ampleur de la contestation sociale, la réponse de votre gouvernement a été très préoccupante au regard des droits humains. Outre la répression violente des manifestations, des milliers des manifestants pacifiques ont été arrêtés, poursuivis, voire condamnés sur la base de lois souvent contraires au droit international.

Monsieur le Président, il est temps de mettre fin à cette situation. La France ne doit pas devenir un pays où l’on risque d’être arrêté pour avoir manifesté pacifiquement. Nous vous demandons instamment de mettre fin à la criminalisation des manifestants pacifiques, d’abroger ou amender toutes les lois contraires au droit international et de vous assurer que les mesures visant à protéger la santé publique ne génèrent pas de restrictions disproportionnées au droit de manifester pacifiquement.

 

Pour signer la pétition :

AI_Pétition papier