Contrainte numérique

Des sénateurs lâchent le morceau

Il ne s’agit pas d’un complot, mais d’un rapport sénatorial.

De ces intenses cogitations à huis-clos qui tôt ou tard se transforment en lois et changent nos vies.
Les auteurs : Véronique Guillotin, médecin et sénatrice de Meurthe-et-Moselle (Mouvement radical), Christine Lavarde, ingénieur et sénatrice des Hauts-de-France (Les Républicains), René-Paul Savary, médecin et sénateur de la Marne (Les Républicains).
Le titre de ce rapport du 3 juin 2021 : « Sur les crises sanitaires et outils numériques : répondre avec efficacité pour retrouver nos libertés ».

Vous n’avez jamais rêvé d’être une petite souris dans les réunions internes des puissants, pour entendre ce qu’ils disent de nous et de leurs projets ? Ou bien d’avoir un logiciel espion Pegasus, puisqu’il paraît que « la technologie est neutre et tout dépend ce qu’on en fait » ? Voici un autre moyen, encore plus simple : lire les rapports parlementaires.
Celui-ci est terrifiant (mais on ne les lit pas tous), tant il exhibe de morgue véhémente chez nos biocrates et d’aspiration crue à la technocrature.
On résume : la crise étant le prétexte, saisissons l’occasion pour accélérer et renforcer des mutations en cours. De l’art pour la technocratie d’utiliser la pandémie pour forcer la voie à ses projets de rationalisation et de machination du monde.

Voici des extraits choisis :

* « Les perspectives ouvertes par le recours aux technologies numériques sont immenses, et la crise du Covid-19 n’a donné qu’un avant-goût des multiples cas d’usage possibles, à court, moyen ou long terme.
Alors que la pandémie de Covid-19 n’est pas terminée, et qu’il est probable que celle-ci ne soit ni la dernière, ni la plus forte, il serait irresponsable de ne pas se saisir de telles possibilités (…) les cas d’usage les plus évidents concernent le contrôle du respect des règles visant à limiter la transmission du virus (pass sanitaire, couvre-feu, confinements, quarantaines, etc.), qui implique de croiser trois types de données : données d’identification, données médicales, et données de localisation (des plus intrusives, avec le tracking GPS, aux plus légères et occasionnelles, avec l’accès conditionnel à certains lieux, en passant par les données de localisation relative avec le contact tracing). »

* A propos des pastilles d’iode distribuées aux riverains des installations nucléaires : « Grâce au numérique, il serait possible d’organiser des campagnes de rappel sur les smartphones, et surtout, en cas d’accident nucléaire, il serait possible de localiser sans délai toutes les personnes se trouvant dans la zone, et de leur porter assistance. »

* « Même s’ils sont rarement présentés comme tels, des dispositifs tels que le pass sanitaire ou le passeport sanitaire relèvent bien de la catégorie des outils contraignants, car ils conditionnent, de facto ou de jure selon les cas, l’accès à certains lieux et à certaines activités. (…) dans les situations de crise les plus extrêmes, les outils numériques pourraient permettre d’exercer un contrôle effectif, exhaustif et en temps réel du respect des restrictions par la population, assorti le cas échéant de sanctions dissuasives, et fondé sur une exploitation des données personnelles encore plus dérogatoire. »

* « Plus la menace sera grande, plus les sociétés seront prêtes à accepter des technologies intrusives, et des restrictions plus fortes à leurs libertés individuelles – et c’est logique. »

* « La crise actuelle nous donne déjà toutes les raisons de veiller à la protection de nos droits et libertés.
Mais elle nous donne aussi toutes les bonnes raisons de recourir davantage aux outils numériques, en conscience et en responsabilité – parce qu’ils sont potentiellement bien plus efficaces que les autres méthodes, parce qu’ils pourraient permettre de retrouver bien plus rapidement nos libertés « physiques », et parce que si nous ne le faisons pas, d’autres le feront pour nous. »

* (Regrettant le retard et le conservatisme français dans l’usage du numérique) : « cette sensibilité française est non seulement devenue coûteuse, en particulier face à une crise sanitaire, mais aussi mal placée :
 d’abord, parce que les atteintes éventuelles à nos libertés « numériques » ne doivent pas s’apprécier dans l’absolu mais au regard des atteintes autrement plus importantes portées à nos libertés « physiques », dans une logique de proportionnalité aujourd’hui mal comprise ;
 ensuite, parce qu’elle confond les fins (protéger les droits et libertés) et les moyens (interdire les croisements de fichiers).
Il faut être clair : pour la gestion d’une épidémie comme en général, il n’y a pas – et il n’y aura jamais – d’outils numériques efficaces sans utilisation des données, y compris personnelles. Progresser dans cette voie est un devoir. »

* « Ces dérives (NdR : liberticides) ne tiennent pas aux technologies elles-mêmes, elles tiennent à l’usage qui en est fait, à l’absence de contre-pouvoirs notamment, et aussi à des facteurs politiques et culturels. En lui-même, le progrès technique est neutre, porteur du pire comme du meilleur. Il n’est ni souhaitable, ni même possible, de l’entraver – et ce n’est certainement pas en laissant les régimes les moins démocratiques prendre une avance décisive en ce domaine, ou en abandonnant aux GAFA le soin de lutter contre les épidémies (et quoi d’autre demain ?), que nous pourrons défendre nos valeurs. »

* « Deuxièmement, tout ceci n’est pas le problème. Si une « dictature » sauve des vies pendant qu’une « démocratie » pleure ses morts, la bonne attitude n’est pas de se réfugier dans des positions de principe, mais de s’interroger sur les moyens concrets, à la fois techniques et juridiques, de concilier efficacité et respect de nos valeurs. »

* « Le présent rapport propose donc de recourir bien plus fortement aux outils numériques dans le cadre de la gestion des crises sanitaires ou des crises comparables (catastrophe naturelle, industrielle, etc.), notamment en vue de contrôler au niveau individuel le respect des mesures imposées par la situation, et y compris si cela implique d’exploiter des données de manière intrusive et dérogatoire. »

* « Le présent rapport propose donc non pas de collecter une multitude de données sensibles à l’utilité hypothétique, mais tout simplement de nous mettre en capacité de le faire, pour ainsi dire en appuyant sur un bouton, si jamais les circonstances devaient l’exiger.
Concrètement, cela implique de mettre en place une plateforme sécurisée spécifique, qui ne serait activée qu’en temps de crise. Celle-ci permettrait de centraliser les données nécessaires à la réponse des pouvoirs publics, permettant de faire remonter les informations immédiatement, et de les redistribuer ensuite aux acteurs concernés pour remplir leurs missions. »

 

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