En Espagne, la panne électrique du mois d’avril a mis en lumière (naturelle) notre extrême dépendance à « la fée électricité » mais aussi, dans une certaine mesure, notre capacité à vivre sans.
Maria, une amie espagnole de Zaragoza m’a souvent dit que chez elle, les problèmes se règlent sur les terrasses autour d’un café con leche (1) ou d’une cerveza (2). Quand le 28 avril à 10h33 GMT, soit 12h33 en Espagne et 11h33 au Portugal, un black-out a touché l’ensemble de la péninsule ibérique, les gens se sont effectivement retrouvés dans la rue, dans les bars et sur les places publiques. Du moins pour ceux qui ne sont pas restés coincés dans les ascenseurs ou prisonniers, chez eux, de leurs portes et volets électriques …
Maria, elle, était dans le train entre Barcelone et Madrid. Le véhicule s’est arrêté en pleine voie, à une dizaine de kilomètres de Zaragoza. « Le chef de train nous a dit qu’il semblait y avoir une panne géante au niveau électrique, qu’il fallait garder son calme, que les bomberos (pompiers) nous apporteraient de l’eau et des vivres si cela devait durer. Il nous a dit aussi que si parmi nous il y avait des gens avec des valises et des vêtements légers, ils pouvaient les prêter à d’autres passagers, car il allait faire chaud … C’est comme cela que je me suis retrouvée en maillot de bain et fouta (paréo) au bord des voies. » L’absence d’électricité peut avoir des conséquences inattendues . « Le pire, je crois, c’est quand on s’est aperçu que nous n’avions plus aucun réseau téléphonique ni internet sur nos portables. Impossible de prévenir nos proches ou de lire les infos pour savoir ce qu’il se passait. »
Des habitants d’un village proche leur ont finalement apporté de l’eau et une radio à piles. « Un groupe de jeunes a décidé de lancer un flash dance le long du train. D’autres se sont occupés des quelques personnes un peu plus âgées et des enfants. Personne ne s’est énervé. » Maria est rentrée en bus à Zaragoza aux alentours de 18h30 et a trouvé sa ville en effervescence … De nombreux embouteillages s’étaient formés : les feux de signalisation ayant cessé de fonctionner, des personnes s’étaient mises à faire la circulation en enfilant un gilet jaune. Elle me raconte encore que « les gens étaient très calmes, souvent joyeux, installés autour de radios à piles, sur les trottoirs, les places, dans les parcs ou aux terrasses des bars ». Les serveurs faisaient crédit, car les terminaux de cartes bleues ne fonctionnaient pas, ni les distributeurs d’argent liquide. Les vendeurs de glaces bradaient leurs cornets, car la marchandise fondait. Les restaurateurs s’inquiétaient de savoir s’ils ne perdraient pas trop de victuailles… « Le plus étonnant, c’est que des groupes de musique, de chants, de danses, ou de jeux de sociétés s’étaient formés partout spontanément. »
Lydia Robin ; l’âge de faire
1 – Café au lait
2 – Bière.